Tout est parti de l'idée suivante: tiens, et si je fouillais histoire de voir s'il n'y a pas un concert sympa à se faire? Parce que je suis comme ça, moi, si j'ai pas un concert que j'attends avec impatience, ma place bien rangée sur le baffle gauche de la mini-chaîne, je me sens tout nu, je dépéris. C'est comme ça.
Et puis, alors que je déambulais dans les allées virtuelles d'un refourgueur de places de concert de grande distribution, j'ai soudain eu l'impression d'être en train de fouiller le rayon disques. Zappa plays Zappa's Apostrophe, à l'Olympia. Patti Smith joue Horses, Salle Pleyel. Roger Waters, The Wall à Bercy. C'est quoi cette nouvelle mode? C'est pas justement l'intérêt le plus basique du concert, que de ne pas aller écouter le disque régurgité sur scène telle quel? Parce qu'en plus, tous ces concerts sont d'ores et déjà complets, ce qui ne m'avance pas.
Oh, certes, on ne parle pas là d'albums mineurs, ni de débutants (Qui a dit "vieilles gloires sur le retour"?), mais pourtant, sur le principe, ça me pose problème. Ce que j'aime, moi, en concert, c'est… d'être surpris. Cette surprise, elle peut se caractériser de plein de manières, évidement: Une réorchestration originale d'un vieux morceau, une reprise bien sentie ou inattendue (Genre Courtney Love qui reprend Pearl Jam), voire même un invité surprise…
Pourtant, la surprise la plus basique de toutes, c'est (et ça devait rester, m'est avis) la setlist quand même! Bien sur, des fois, c'est pas plus mal de coller un peu à l'album dont on tire les morceaux. Quand les Queens of the Stone Age démarrent en balançant Feel Good Hit of the Summer / Lost Art of Keeping a Secret1, je suis bien loin de bouder mon plaisir, voire même plus, je suis content de retrouver cette transition, ces deux morceaux s'enchaînant, il faut l'avouer, plutôt bien. Par contre, derrière, si c'est pour se bouffer tout l'album, très peu pour moi. De même, Placebo a passé dix ans à enchaîner Bionic et 36 Degrees en concert, on aurait pas idée de s'en plaindre. Et je ne parle pas des des enchaînements "spécial concert" devenus mythiques par la force des choses – genre Neighbourhood #3 / Rebellion (Lies) d'Arcade Fire, dont on aurait plutôt tendance à déplorer l'éventuelle absence – là n'est pas le sujet de l'article, d'ailleurs.
Reste que cette idée de jouer, sur scène, des albums tels qu'ils sont sur disque me laisse perplexe. Ce n'est pas nouveau, certes: Pink Floyd jouait déjà "The Wall" en entier à l'époque, les Who ont déjà, à plusieurs reprises, interprété l'intégrale de leurs operas-rock en live: Je le sais, j'ai le coffret 3 DVD pour les Who, et bizarrement, c'est le DVD avec les rappels en mode Best Of qui a le plus tourné. (Et ce, malgré la présence de Billy Idol dans chacun des deux concerts)
Et encore, dans le cadre d'un opéra rock…Ca me gênerait presque moins, même si, pour mauvais qu'ils soient, je vois plus logique d'en faire des films – ou des comédies musicales (ne riez pas, ils adaptent Greenday à Broadway en ce moment – j'ai peur que ça débarque à Mogador)
Mais pour les concept-albums (et encore, Horses est-il un concept album?)… C'est juste super bizarre, selon moi. Parce que le concept album, c'est en quelque sorte (théoriquement) le degré supérieur de la "galette", une idée qui existe par et pour le disque, par et pour l'album concerné, mais qu'on ne va pas forcément chercher à adapter en live tel quel. On en prendra des morceaux, on les placera à des moments stratégiques, mais on ne jouera pas l'album en ordre: suffit de regarder la setlist des concerts de Bowie période Ziggy, pour voir que dès le départ, c'était pas ça l'idée!
Et encore, s'il n'était question que de concept-albums… Mais quand je vois Weezer envisager de jouer le Blue et Pinkerton en intégralité sur scène… Alors qu'ils ne sont même pas vraiment une vieille gloire sur le retour… Et qu'on ne parle pas non plus d'album concept sur ce coup là… Ca sonne bizarrement faux. On se dit que ça devient vraiment une sorte de nouvelle mode… Plus feignant encore que de jouer la même setlist sur toutes les dates de la tournée, maintenant, on va jouer la setlist écrite au dos de l'album. Et ainsi gâcher un des plus grands des plaisirs des concerts: ce frisson dans le bas du dos qu'on ressent quand on entend résonner les premières notes de ce titre qu'on avait envie d'entendre et qu'on ne savait pas s'ils le joueraient, ou pas (oui, généralement, c'est pas le single qui fait cet effet là, donc le doute peut exister – le single, lui, il sert à savoir que le concert est pas encore fini tant qu'il est pas joué.)
C'est marrant de se dire qu'il y a quarante ans, le premier concept – album était un faux concert, repris sur disque. Aujourd'hui, on refait le chemin en sens inverse. Au final, je sais pas trop si c'est boucler la boucle ou reculer.
N'empêche, je sais toujours pas ce que je vais aller voir en concert moi….
1 Binôme ouvrant l'album Rated R
2 Plages 3 et 4 du premier album