Il est toujours difficile, je pense (et je suis certainement pas le seul), de parler des Stooges. Groupe important, groupe fondamental, groupe révolutionnaire… Tout a été dit (ou presque), pour la simple raison que, sur eux, tout peut être dit (ou presque). Trois albums fondamentaux. Trois albums qui ont changés malgré eux la face du Rock. Et ici le premier. L’album éponyme, The Stooges.
Aout 1969 : Woodstock n’est même pas encore commencé quand sort cet album. Et pourtant, c’est déjà fini : le rêve, la paix, la révolution psychédélique n’aura pas lieu, c’est ce que peut vouloir dire cet album. Ou pas. S’il fallait choisir un verbe pour décrire cet album… je choisirais transpirer. Cet album transpire les hormones mal digérées, l’envie inassouvie, l’ennui qu’on trompe en grattant des guitares dans un sous sol miteux parce que les parents ont pas de garage. Oui on se fait chier à 21 ans coincé dans le garage de ses parents à Detroit. C’est aussi là qu’on se dit que les années 60 avaient un avantage, c’est que cette situation dans les années 60 nous a offert les Stooges. La même dans les années 90 nous a refourgué Eminem.
Bref. The Stooges, après la pop sucrée « Nuggets » de l’ère psyché, ou les expérimentations un peu barrées du Velvet, revient à du vrai, du dur, du brut. Arrêtons de rêver en un avenir meilleur et réalisons que le présent, c’est de la merde. Alors voilà : une musique extraordinairement actuelle. Des crétins de 21 ans qui ont créé une musique qui est l’incarnation même de l’adolescence, ce temps ou on s’emmerde parce que rien nous plait. Ses prestations scéniques mises à part (Rappelons qu’Iggy Pop est le mec même pour qui l’expression bête de scène a du être créée), Le Pop fait montre d’un talent de parolier et d’un talent vocal uniques. Exprimer la frustration, l’envie de voir les choses avancer et l’envie de serrer avec tant d’animalité, cette voix goguenarde, toujours tendue…
Et derrière… Les frères Asheton. Qui tiennent la baraque. Je ne suis même pas sur d’être capable de décrire cette musique. Le riff de No Fun parlerait à ma place. Acéré. Aiguisé. Dangereux. Torturé. Binaire en fait. Ces grosses salves de guitares, qui passent direct des oreilles aux tripes… bien rêches. Une autre particularité des morceaux de ce premier album, c’est aussi les fins de morceaux toutes en distorsions douloureuses, salaces, en larsen intrigants…
I wanna be your dog... ou ta table basse si besoin est...
La facilité voudrait qu’on dise que les Stooges étaient punk 5 ans avant le punk, mais ce serait réduire le truc. Ils ont influencé le mouvement. Ils ont apporté quelque chose d’unique qui allait engendrer ce mouvement, d’une manière ou d’une autre. Sans eux, il n’y aurait peut être (je dis bien peut être) pas eu de punk. Si j’ose dire, les Stooges sont au punk ce que les Pixies ont été au grunge : ils ont apporté les bases du mouvement, ils l’ont peut être engendré, sans faire exprès, mais ils n’en ont pas fait partie. Ils ont été les idoles, le groupe culte du mouvement, mais ils n’en ont pas fait partie.
(En plus, dire que les Stooges ont été punk c’est d’autant plus con que quand même, on parle des années 70… Maintenant on a un vague mouvement tous les 5 ans, mais à l’époque 5 ans c’était l’ensemble d’une carrière… Entre les Stooges et le mouvement Punk, il y eu la fin de la pop psyché, le début du prog, la vie et la mort du Glam, l’émergence du blues Rock type Led Zep, des solos de batterie et de guitare, l’élection de Richard Nixon… Je m’égare.)
Et dire que c'est les Ramones qui sont surnommés les Daltons du Rock... Y a aucune justice.
Mais The Stooges, c’est aussi des morceaux indémodables, éternels, connus (au point d’être repris par SFR !!! Mon Dieu). I wanna be your dog et son solo de clochettes tout le long, irritant, hypnotique… Le riff de No Fun, qui rythme les pas d’un Iggy goguenard qui traine dans les rues les plus pourries de Détroit, à la recherche de quelque chose à faire, d’une fille à embarquer, ou, à défaut, d’un mec à tabasser… 1969… incarnation de l’ennui de la jeunesse… On a pas tous les jours 20 ans, ouais, et heureusement.
Le seul petit bémol que j’apporterais, c’est sur We will fall, longue descente aux enfers semi religieuse, semi chamanique… qu’on imagine mieux réalisée par les Doors.
Malgré cela, un album essentiel. Violent, mais mélodieux. Rageur, mais apaisé, presque blasé. J’oserais dire que le seul mot susceptible de vraiment bien le décrire serait… indescriptible. Mais à écouter. De quoi passer…A real cool Time.
NOTA : petit jeu. Amusez vous à trouver pourquoi je choisis de parler de cet album aujourd’hui, et précisément aujourd’hui, Dimanche 4 Novembre 2007. La réponse se trouve dans l’album.