Pour une fois au sein des gros Blogages, je vais pas faire mon guignol branleur qui dézingue à tout va. Même si je ne regrette aucune des saloperies que j'ai pu écrire sur les groupes ou disques auxquels je m'en suis pris, hein. Non. Juste qu'aujourd'hui, je veux aborder un problème qui me touche plus profondément, un problème ... qui me pose problème. Presque un truc éthique.
L'ennui mêlé d'un profond respect que j'ai à l'égard des Albums qui ont Révolutionné le Rock TM, qu'on nommera ARR dans la suite de l'article. C'est sympa les ARR. Tout le monde s'accorde toujours à leur trouver de grandes qualités. On les appelle tantôt « classic-albums », tantôt « meilleur album de... »...
Personne n'oublie jamais de rappeler à quel point ils ont profondément marqué une génération d'ados, celle là même qui mènera la prochaine révolution du Rock TM. Comment Fun House a influencé les punks. Comment Nevermind the Bollocks en influencera d'autres... C'est toujours pareil.
Régulièrement, j'erre dans les rayons « livres sur le Rock » des librairies. On y trouve là, toujours, une demi-douzaine de bouquins se targuant de créer la discothèque idéale. Généralement en 100 disques Rock, mais il y en a un qui en propose mille. Sauf que lui mêle tous les genres. J'ai toujours la curiosité d'aller y jeter un œil... pour finalement savoir, toujours, ce que je vais y trouver. C'est même plus drôle au final.
On se rend compte qu'au final, le Rock critic se targue d'avoir tant de casquettes qu'on a plus à s'étonner qu'il ait la grosse tête. Il se prend tour à tour pour un critique, c'est la moindre des choses, mais aussi pour un historien du Rock, un découvreur de nouveaux talents, un gardien de temple sacré, un esthète moderne, et parfois même pour un écrivain.
Mais on arrive alors à des contresens et des doubles-emplois assez gênants. Si l'historien se doit de savoir ce qu'a fait Napoléon (ou n'importe quel autre, hein), en quoi cela a pu influer sur l'avenir... Personne lui demande de juger si le Bac, le Code Civil ou Austerlitz sont des coups de génie ou des daubes immondes. Et on lui demande encore moins de la faire dans un style alambiqué, tortueux, et plein de références que seuls dix élus en ce monde (à savoir lui et sa famille) peuvent saisir.
La grande confrérie des Rock critics cite toujours Lester Bangs comme un exemple, comme « l'homme qui a trouvé le mot « punk » »... En oubliant totalement que, même si le bonhomme écrivait super bien, avait un talent certain, et si la critique rock lui doit effectivement le gain de ses premières lettres de noblesse, ses gouts... dérouteraient à tout le moins le premier aspirant critic rock venu. Honnêtement, ça vous viendrait à l'esprit, intuitivement, comme ça, de prendre pour exemple un mec capable d'encenser Music Metal Machine pendant 10 pages avant de passer les 3 suivantes à détruire Station to Station ? Non ?
Seulement on vous a dit que Lester était une référence. Et il l'est, je dis pas le contraire. Mais le statut de référence fait qu'on a trop facilement tendance à la fermer et à se dire que bon, ben, si je suis pas d'accord, c'est que je dois être en tort. Parce que ne pas aimer la référence de gens qui sont eux-mêmes des références c'est doublement incorrect... Alors que c'est ce raisonnement qui est doublement crétin. Raisonnement que je me permets de qualifier ainsi car je l'ai moi-même suivi trop longtemps.
Parce qu'après le combo Top of the flops of the pop of the Blogs - Rock n' Roll Hall of Shame, j'ai découvert que la Honte en Rock TM (oui, aujourd'hui c'est la journée mondiale du TM, vous saviez pas ?), eh bien... Ce n'est pas celle que je croyais. Ecouter un groupe dont tout le monde s'accorde à dire que c'est de la merde... ne pose aucun problème. Tout au pire, deux trois blagueurs et / ou snobinards viendront gentiment vous tourner en dérision. Et quelques fans viendront vous houspiller d'avoir sous-entendu que ca pouvait être légèrement ridicule d'apprécier leur groupe favori.
Mais la honte en Rock se situe à un niveau autrement plus élevé. Ce n'est pas de ce qu'il aime que le rockeux doit avoir honte, mais de ce qu'il n'aime pas. (Non, détester Hélène Ségara c'est autorisé, laissez moi finir avant de pousser de hauts cris...) Et s'il y a un enseignement que je tire du Rock n' Roll Hall of Shame... C'est que je me suis planté dans l'énoncé. Pour la simple raison que le rockeux a beau faire jouer la tolérance, et rappeler que critiquer un artiste ce n'est pas critiquer les gens qui apprécient cet artiste (ce qui est somme toute vrai), allez dire du mal d'un classic album et vous aurez une petite idée de ce qui pourrait vous arriver si jamais vous alliez brûler une Bible le dimanche matin à la sortie de Saint Nicolas du Chardonnay : Une assemblée de personnes qui pendant un temps incroyable viennent de prêcher l'amour du prochain le respect la tolérance vous tomberons dessus à bras raccourcis pour vous faire recracher le démon (que selon les cas, on appellera Satan, athéisme, mauvais gout ou surdité) qui s'est, selon eux, emparé de vous.
Et un jour ou l'autre il faut bien exorciser cette honte par soi-même, avec fierté et la politesse du ridicule, c'est-à-dire l'humour.
Cette très longue intro n'est là que pour justifier l'aveu que je vais faire maintenant... Dans leur grande majorité, les « albums révolutionnaires », si je m'incline devant leur réussite, m'ennuient profondément, tout du moins en tant qu'albums. J'y trouverai, bien évidement, toujours quelques titres qui me plairont, mais dans l'ensemble... je suis incapable (sauf que ce n'est pas une question de capacité, juste de volonté) d'en écouter aucun dans son intégralité.
Entendons-nous bien. Il est évident que je parle d'albums révérés dans leur ensemble. Il va de soi que si jamais j'écoute le Double Blanc, je zappe bien sur Revolution N°9. Ce morceau, ce sont les gens qui l'écoutent qui forment la minorité opprimée. Dans la même catégorie, il m'arrive souvent de zapper « We will fall » sur le premier Stooges. Je le laisse si mon humeur me dit de le laisser, parce que dans l'absolu il est pas mauvais, mais le plus souvent je le zappe.
Par contre, des albums encensés qui subissent le traitement de la coupure prématurée ou de l'élagage de masse...
A tout Seigneur tout honneur : Led Zeppelin. C'est simple, j'ai jamais pu écouter un seul de leurs albums en entier. En plus le compte est simple : sur les 4 premiers albums, il y a 8 titres, à chaque fois, et à chaque fois, je n'écoute que les 4 premiers titres. Mon record, je pense, c'est d'avoir réussi à m'enfiler tout le premier CD de « Physical Graffiti », et encore j'ai une excuse, j'étais jeune. La raison en est très simple : ca a vite fait de me gaver. Si je cherchais une explication rationnelle, je dirais qu'un album standard contient un certain nombre des notes, un certain nombre de silences. En quatre titres, Led Zep aligne déjà le nombre de notes que j'aurais pu écouter sur 3 albums standard**, d'où une fatigue équivalente à celle de celui qui a écouté 2 h 15 de musique.
Bon, en fait c'est juste que.. Led Zep, pour moi, c'est un groupe à Best Of. Entendons nous bien, j'ai bien dit « pour moi ». Ce qui fait que j'aime beaucoup de titres, comme ça, diffus, séparés, ou écoutés à la file (ce qui fait qu'en gros j'ai mon propre best of personnel), mais, sur la longueur d'un album, je ne tiens pas.
Bon, il y a aussi des cas où... comment dire. Je « compense ». Des cas ou c'est juste un album que je ne réussis pas à digérer d'une traite, alors que pourtant, du même artiste, je peux me gaver et me regaver d'albums autres, parfois même plus longs d'ailleurs.
Dylan, par exemple. Highway 61 Revisited, entier, ça passe pas. D'ailleurs, généralement, je le mets juste pour écouter « Like a rolling stone », avant de la sortir de la platine et d'y mettre, je sais pas moi... Blonde on Blonde. Qui lui pourrait boucler des heures, entier, sans problème.
Idem, « Fun House ». C'est le premier album des Stooges que j'ai eu et franchement, c'est celui que j'écoute le moins. Non, je rectifie : c'est celui que je n'écoute pas. Les deux autres (oui, les deuxautres) je les connais par cœur et les écoute pourtant encore régulièrement, et entiers. Alors que l'album pour lequel a été créée l'expression magma sonore me donnera toujours plus l'impression d'être une forme aboutie de vomi sonore. Pourtant c'est plus sur Raw Power qu'Iggy Pop pousse ses tripes au plus haut de sa gorge.
Car c'est souvent l'ARR qu'on achète en premier pour découvrir un groupe. Parce que c'est celui dont on a le plus entendu parler, parce que c'est le plus souvent cité... On fait souvent l'erreur d'en déduire que c'est par conséquent le plus représentatif du groupe***... Ce qui n'est vrai qu'avec Nevermind the Bollocks, en fait.
Cette erreur, je l'ai moi-même faite.
Avec pas mal de groupes, les Stooges évidement (même si la question de représentativité est très particulière en ce cas, chacun de leurs albums étant unique...), mais surtout avec les Who.
Quelle erreur de chercher à découvrir les Who avec Who's Next ! Ah oui, peut être qu'aujourd'hui certains se réjouiraient de trouver les génériques de deux subdivisions des Experts sur le même disque (Les Experts, série que je suspecte d'avoir relancé les ventes du criminel « Who are you ? » : sincèrement, payer pour entendre « Sister Disco » relève de l'arnaque pure et simple.) Car Who's Next, s'il a apporté beaucoup (l'utilisation des synthés comme boucles sonores est une idée réussie, il faut le dire), l'album souffre d'une production et d'un mixage par trop présents. Who's Next, c'est l'album sur lequel les Who perdent cette concision Rock et cette pèche qui marquent si bien des titres comme Substitute, ou Can't Explain. Ils y perdent aussi la concision pop qui fait de The Who sell out leur meilleur album dans l'absolu. Pete Townshend, celui-là même qui ne pouvait pas imaginer une chanson dépassant les 2 minutes 50 secondes en 1965 (cf. le Doc « The Kids are alright ») se laisse aller à n'avoir que 2 ou 3 chansons sur 9 dont la durée est inférieure à 4 minutes. Les Who sabordent tout ce qui a fait leur succès, qui en a fait un groupe qui compte (entreprise de démolition lancée avec Tommy, c'est vrai) et sortent... L'album le plus souvent cité des Who. Alors que logiquement, c'est le Live at Leeds qui (bon, ok, c'est un live) devrait récupérer cette place. Que l'album de référence d'un groupe contienne au grand maximum 4 chansons réussies ne donne que rarement envie d'aller plus loin avec ce groupe.
Je ne reviendrais pas sur les griefs que j'ai contre les « géniaux », « extraordinaires » ARR que sont « Sergeant Pepper's lonely hearts club band »**** ou « Pet Sounds », mais comprenez bien qu'ils ont une caractéristique importante : ils m'ennuient. On pourrait passer un temps fou à en souligner d'autres... Tant d'autres dans lesquels je ne sauverais que quelques titres... chez les Stones, tout particulièrement. Passé Sympathy for the Devil, je m'ennuie ferme au Banquet des Clochards. De même Exile on Main Street, sans « Happy »... C'est triste à dire, mais ces albums mythiques ne m'inspirent pas, rien !
Alors je cherche. Je cherche, je gamberge sur le pourquoi du comment et j'accuse le temps. Le temps qui s'est écoulé, les choses qui sont nées, les créations musicales effectuées depuis, qui bien souvent découlent de ces ARR...
Ce temps que je n'ai pas forcément vécu, cette évolution que je n'ai pas pu voir... Et je me retrouve à écouter des disques qui ont deux fois mon age en les trouvant « ennuyeux ». J'ai beau savoir que c'est parce que, bon, j'en ai déjà écouté les conséquences (un peu comme lire un polar dont on a déjà vu l'adaptation au ciné, le suspens est gâché...) et au final la cause me parait... banale... mais... je ne peux pas m'empêcher d'avoir mauvaise conscience quand je réalise qu'une « référence » ne me touche pas.
C'est très con, n'est-ce pas ?
Mais cette sensation peut également s'accompagner d'un effet totalement inverse ! De nombreux albums dont on m'a dit qu'ils sont simplement bons m'apparaissent comme des petits chef d'œuvres. Et la raison en est simple : personne ne m'a jamais rebattu les oreilles en me disant à quel point ces disques sont génaux, et le plaisir de la découverte s'accompagne de la surprise de la découverte d'un truc génial. Entrent dans cette catégorie « The Who sell out », l'album génial qui n'est pas asssez souvent cité, sauf par quelques über-snobs... (Tommy et évidement Who's Next se voient offrir les lauriers bien avant), « Odyssey and Oracle » des Zombies, « The Kinks are the green village preservation society », dont tout le monde s'accorde à dire que c'est un chef-d'œuvre mais qui a une chance que d'autres n'ont pas : personne ne passe son temps à nous le rappeler. L'album du Velvet Underground que j'écoute certainement le plus, ça reste « Loaded ». Mais je vais lever le pied sur les exemples, pour ne pas perdre les dernières miettes d'estime que vous pouvez avoir pour moi, chers lecteurs de bon goût.
L'autre possibilité est évidement le phénomène générationnel.***** Et le fait de ne pas avoir eu 15 ans en 1967 expliquerai beaucoup de choses. Le fait d'avoir découvert les « classiques » sur le tard (vers 18 / 20 ans) expliquerait le reste. L'exemple qui me vient à l'esprit, directement, c'est le Grunge. Quand je me suis intéressé à la musique, Cobain était déjà mort. Comme tous les gens de ma génération, j'ai écouté Nirvana quand j'avais, en gros, 15 ans****** Depuis, j'ai essayé de m'intéresser au Grunge, mais plus tard, quelques années plus tard. Avec des albums dits de référence concernant ce mouvement, hein. « Dirt », « Vs. » ... Eh bien non. Ca ne me touche pas. Pourtant, Nirvana, ça passe. Conclusion...
- Je suis certainement trop jeune pour que ça me touche (en ce sens que j'ai découvert cette musique certainement trop vieux... enfin, y a un problème d'age au final. En gros.)
- Partant de la, et considérant que le Grunge touche plus facilement une certaine génération, ou plutôt une certaine classe d'âge, et que ça ne me touche pas, et pourtant Nirvana si... De deux choses l'une : soit Nirvana est plus « transgénérationnel », soit c'est « moins du grunge ». Les deux ne sont pas incompatibles en fait je réalise.
Pourtant ces albums... je peux pas dire qu'ils sont mauvais ! C'est peut être même du très bon Grunge. De la même manière, Megadeth c'est peut être du très bon métal. Mais non. Ca passe pas.
Au final... combien de ces albums qualifiés de « géniaux » nous auront vraiment foutu une claque quand on les a écoutés ? Pas plus d'une vingtaine je le crains.
Et combien ont forgé nos gouts parce qu'on se devait de les aimer, combien se sont imposés à force de réputation ? Un seul, ce serait déjà trop.
Vos devoirs pour la semaine prochaine : trouvez un jeune qui dit qu'il aime le Rock. Faites lui écouter « Fixing a hole ». Demandez-lui son avis sur ce morceau. Evitez de lui coller une claque quand il vous dira que c'est de la merde. Non, vous ne pouvez pas non plus l'engueuler, ni le traiter d'inculte. Répétez l'exercice dix fois.
Et vous savez c'est quoi le plus marrant dans tout ça ? C'est que là, pendant 5 pages je viens de dire qu'à force de nous rappeler que les classiques sont des cmassiques, qu'à force de les porter au pinacle, sans jamais chercher à les réévaluer... on se retrouve dans cette situation particulière ou la découverte d'une classique est si décevante à côté de la réputation qu'il traine qu'on le sous - évalue grossièrement. Et que par conséquent les classiques perdent de leur aura, justement parce que ce sont des classiques, et que dans l'absolu, il faudrait les oublier, pour que, soudain, une génération les redécouvre, et leur rende leur place, qui sait ?
Bref... moins on parlera des classiques, plus facilement il leur sera rendu un hommage juste et digne... Amusant, non?
Parce que ce que je suis en train de vous dire de pas faire... C'est quelque chose que je fais moi-même régulièrement en ces pages, mais aussi dans la vie de tous les jours. Et le pire, c'est que ça me plait !
Vous vous demandez peut être pourquoi ces vidéos le long de l'article... Alors, d'abord c'est histoire de pas faire "pavé de texte" illisible... Ensuite, pour mettre simplement queqlues titres simplement pop qui n'ont jamais rien révolutionné... Mais qui sont si agréables à réécouter.
** Les silences non utilisés par Led Zep ont pour la plupart été récupérés par Pink Floyd, évidement.
*** Par exemple, l'album le plus souvent cité des Beatles, c'est... Sgt Pepper's. On va pas y revenir, mais il faut bien admettre qu'il n'est pas représentatif des Beatles. Tout au plus des Beatles de 66 - 67. Pour une raison très simple, c'est qu'à partir de 66, chaque album des Beatles n'est représentatif de rien sinon de lui-même, et des Beatles tels qu'ils étaient au moment de l'enregistrer. Et que les albums d'avant 66 sont quand même à mille lieues d' « A day in the life ».
**** Pour qu'un album au nom aussi imbittable soit cité aussi souvent il faut vraiment qu'il ait révolutionné la pop music...
***** Aaaaaaaaahhhh ! Ca faisait longtemps....
****** Ouais ben tiens, ça aussi, ça faisait longtemps que j'avais pas parlé de mes 15 ans, tiens.