Les Pistols c'est sympa, mais ça va 5 minutes. Surtout que dès qu'on commence, à 18 ans, à placer les Pistols sur un piédestal, on réalise bien vite à quel point celui-ci s'avère fragile et, surtout, difficile à consolider. Il faut être bien naïf pour croire que seul McLaren est le méchant de l'histoire. Il faut être con pour trouver le renvoi de Matlock (et son remplacement par Vicious) "trop bien". Il faut ne s'être pas renseigné pour croire encore cette légende selon laquelle les Pistols ont sauvé l'Angleterre d'un Rock progressif qui n'a jamais été une menace. Il faut être ado pour trouver géniale leur façon de dire "Fuck" à tout sans jamais rien apporter en solution. Enfin, il faut être sourd pour croire un instant que la musique des Pistols est effectivement ce "retour au Rock des sources" que clamait l'esthétique punk de l'époque.
Je ne dis pas que les Pistols sont dénués d'intérêt, non. Juste qu'on les a fait porte-étendard de bien plus de choses que la raison et la logique n'auraient du l'autoriser, amalgamant toutes les définitions possible d'un mouvement pas si bien défini que ça autour d'un unique groupe.
Mais surtout, le paradoxe ne saurait s'arrêter là. A ce moment là (et même un peu avant), de l'autre côté de l'Atlantique, la scène punk se monte. La, oui, et pas une. La vraie, l'originale, celle des Patti Smith, Ramones, Television, et bien sur Heartbreakers. Ceux de Thunders, Johnny Thunders.
Celui-là même qui, 5 ans auparavant avait, avec les New-York Dolls*, avait américanisé le Glam Rock. Glam que les Pistols jouaient à leurs débuts, avant que Malcolm McLaren, ex-manager des NY Dolls ne les rencontre et les convainque de jouer du punk. Style que Nolan et Thunders, démissionaires des Dolls en 1975 (un an après l'arrivée de McLaren au management des Dolls) jouent avec les Heartbreakers.**
Dans une telle situation, le sale gros réac que je suis ne supporte pas de voir ces petits paltoquets de Sex Pistols, sous couvert de provocation à pas cher et de contestation de trône, balancer une chanson comme New York, qui se résume plus ou moins bien à un gros Fuck à la gueule des New York Dolls… Sans lesquels ils ne seraient surement pas là où ils en sont quand sort "Nevermind the Bollocks".
S'ils ont un mérite, c'est de pas se cacher. Parce qu'avec les références à "Looking for a kiss", entre autres, ils sont un peu grillés à des kilomètres les Tontons Flingueurs du U.K.
Ce genre de comportement me déplait assez fortement, personnellement. C'est entre autres à cause de ce fort sens moral que je ne suis une personne qu'assez peu Rock n' Roll. Mais y a pas qu'à moi que ça déplait pas. Thunders non plus n'a pas aimé. Et sa réponse est tout simplement une des plus grandes chansons qui soit, et surtout une des plus jouissives qui soit. C'est sur le premier album solo de Thunders (So Alone), et ça s'appelle London Boys. Et voilà du punk junkie mais intelligent. Un vrai retour au Rock n'Roll (avec un solo de guitare tout à fait raisonnable! Voilà un truc que je n'ai jamais compris: Comment se targuer d'un "retour au rock n' roll des débuts" tout en supprimant purement et simplement le concept de solo de guitare, alors que ceux-ci magnifient certains morceaux de, au hasard, Chuck Berry (Si c'est pas du vrai Rock n' Roll de base, ça, putain je sais pas ce que c'est) ? Si le but c'est de montrer aux groupes de prog qu'ils se plantent avec leurs solos de 15 minutes, pourquoi ne pas leur montrer comment en caler un correct en termes de durée, d'intensité, et de "comment l'amener" plutôt que de contourner le problème en le collant sous le tapis du studio? A part évidement... si on est pas foutu d'en torcher un. Quoique, certains ne seraient pas gênés)
Sans compter que Thunders, gentiment traité de "faggot" et cordialement inviter à fermer sa gueule dans le morceau incriminé, fait ici preuve d'une finesse dans la réponse qui la rend encore plus virulente. L'invective plutôt que l'injure. La véritable hargne plutôt que la provoc'. Le cassage en règle, en toute distinction, face à la pose, aux rots, et aux fucks balancés pour choquer le bourgeois. Face à la vulgarité, en fait.
Avec les Paroles, ici.
Voilà. Ca c'est du punk. Ca c'est mon punk.
Et puis accessoirement, comment ne pas prendre parti pour celui qui a écrit la plus grande, la plus belle et la plus honnête des chansons jamais écrites sur la nostalgie et ses effets pervers?
(Et merci à Xavier, qui, alors que je lui confiait mes soucis de manque d'inspiration en Juillet dernier m'a dit, aporès que je lui aie narré l'histoire des ces deux chansons: "Mais putain, pourquoi t'écris pas sur ça, je la connaissais pas, moi, cette histoire!")
* C'est non sans difficulté que je cache mon émotion à l'idée d'être intronisé "Quatrième personne qui parle encore des New York Dolls en 2010" après Stephen Morrissey, Philippe Manœuvre et Thomas Sinaeve.
**Je vous l'accorde, ma façon de vous raconter l'histoire ressemble à un épisode d'Amour Gloire et Beauté (enfin, non, il se passe tellement de choses que ça ferait 10 épisodes)