22 décembre 2006
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1967, année charnière.
Tout le monde vous le dira. Année charnière, année psyché. Le LSD arrive dans les verres et les buvards et vous fait réaliser que finalement, l’alliance du vert et du violet dans une même image c’est pas si dégueu que ca. Ouais, bof. A l’époque peut être. Peut être quand c’est dans l’association entre un pantalon pattes d’eph’ (oui, déjà à l’époque) et une chemise avec de grandes franges le long des manches, ouverte sur un torse glabre (On voit à peup rès à qui je pense, j'espère, si des mecs qui portaient ET les rouflaquettes ET les cheveux longs...)
Bref, tout le monde y va de son petit album haut en couleurs, il suffit de regarder la pochette. Il y a ceux qui sont là depuis un petit temps (les Stones, les Beatles, qui négocieront le virage du costard ou du cuir vers les franges avec plus ou moins d’aisance, et surtout de crédibilité), et ceux qui viendront seulement faire un tour (13th Floor Elevator, Love). Et bien sur ceux qui en profiteront pour vraiment se lancer, parce que bon, il doit leur rester 3 ou 4 ans avant la chute : Hendrix, Janis Joplin, les Doors.
D’un autre coté quelques uns ont décidé en cette année là que la mode c’est le pop art. Les Who, avec leur album – concept-pop-art-radio-rock…tout ça « The Who sell out ». Par exemple.
Mais de l’autre coté de l’Atlantique, un ver s’agite dans la Grosse Pomme. Un ver avec des lunettes de soleil, un peu intoxiqué, qui s’appelle Lou Reed, et qui décide de s’accoquiner avec le Pape du Pop Art, Andy Warhol himself. Ajoutez à ca l’irruption de la chanteuse la plus déprimante de tous les temps, Nico, et c’est bon.

Y en a à qui ca fait plaisir d'être pris en photo...
Le premier album du « Velvet Underground », qui sort en Mars 1967 (donc avant le « Summer of Love »), est produit par Andy Warhol himself, et pourtant, c’est loin d’être de la soupe (Campbell, désolé j’ai pas pu m’empêcher).
La pochette représente une banane, jaune, mure, associée à la mention « Peel Slowly and see ». Ainsi que la signature du patron en 4*3 : Andy Warhol. On devine déjà le caractère de ce qui nous attend, ne serait-ce que par le nom du groupe (« velours souterrain »… a chacun d’imaginer ce qu’il veut). L’intérieur (du moins du CD, j’ai pas les moyens de lire des vinyles et ca me désole) révèle la même banane, pelée, mais rose. Là encore, grande classe, et, surtout, 100% premier degré, évidement. Pochette créée, évidement, par le grand maître de la Factory.
Le principe de l’album est simple, il suffit d’écouter les six premiers titres pour le comprendre, mais il ne faut pas atteindre le 7ème sous peine d’être contredit. Une chanson « pop » (et généralement c’est Nico qui s’y colle. Enfin, non, en fait elle chante sur 3 morceaux parmi les 11, mais que des morceaux de ce type.), une chanson un peu plus expérimentale, aux sons torturés, triturés à l’extrême, et parfois à la limite du supportable (European Son, le morceau de clôture).

C’est comme ca qu’on se retrouve avec, sur le même album, des morceaux de « pop lumineuse » comme diraient certains, des morceaux comme le Sunday Morning qui fait rêver Areva, un petit morceau tout mignon, le magnifique Femme Fatale superbement chanté par Nico (et repris en français par je sais plus qui, je crains que ce ne soit Sheila ou Sylvie Vartan), ou le plus basique, plus rock Run Run Run …
Et côté morceaux pairs, les instrumentations sont plus tordues, Reed et Cale font dans le semi expérimental… Ambiances indiennes sur Venus in furs, impatience, attente du shoot que l’on perçoit clairement dans Waiting for the man…
Mais pour moi le morceau le plus extraordinaire, le plus planant de l’album reste le 7eme : Heroine. Pour moi ce seul morceau justifie à lui seul d’avoir cet album. La démocratie du shoot : un morceau écrit par la drogue, pour la drogue et avec la drogue…Et, surtout, un morceau concept. Il aurait été écrit par les Who qu’on l’aurait qualifié de mini opéra. Un shoot en direct live. La batterie pour le pouls, la basse pour la tension, la guitare pour les illusions, tout s’accélère…puis la descente. Lou Reed qui nous a raconté cette expérience, qui revient à la réalité et se voit bien obligé d’admettre sa dépendance…« Heroin… it’s my wife. And it’s my life »
Cet album, je l’ai acheté parce que je voulais découvrir ce groupe dont je connaissais le nom, mais que le nom (il en sera de même pour les Who, Love, les Doors et bien d’autres dans ma vie.). Je me rappelle l’avoir acheté au Virgin de Bercy 2, pour 9,99€, en fin de Terminale, je crois. Aujourd’hui je dois l’écouter encore une fois tous les 2 mois… parce que je le connais par cœur. Quand ca va mal, je me fais ma piquouze virtuelle avec Lou Reed et puis ca va mieux. C’est pas plus compliqué que ca.
Je laisserais le mot de la fin à Brian Eno de T-Rex : « Quand cet album est sorti, il n’y a du y avoir que mille personnes pour l’acheter. En tout cas, elles ont toutes cherché à monter un groupe derrière. »
En 1967, on aurait aussi pu acheter:
- Sgt Peppers Lonely Hearts Club Band des Beatles
- Their Satanic Majesties Request des Roling Stone (mais moins, déjà)
- The Who sell out des Who
- Surrealistic Pillow de Jefferson Airplaine
- Forever Changes de Love
- The Doors des Doors
- Are you experienced ? de Jimi Hendrix
- The Piper at the Gates of Dawn, premier album de Pink Floyd
- ou... à Santiago de Jean Ferrat.