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Songs for the Deaf

La moitié de l'ancienne playlist, liée au contenu de ce blog, ayant été engloutie dans les entrailles de Deezer, vous trouverez ici "seulement" quelques titres épars que j'aime, avec des variations aléatoires representatives de mon humeur.

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De toutes façons personne écoute jamais les playlists sur les blogs, alors...

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Here, There And Everywhere

27 novembre 2015 5 27 /11 /novembre /2015 20:03
Dieu qu’il est dur de vivre sans musique.
 
 
 
C’est une banalité, je vous l’accorde, mais, d’un, c’est pas la première fois que je vous ouvre un article sur une banalité 1, de deux, c’est pas pour autant que c’est faux, vous le savez bien. Et ce fut le grand drame de mon année 2015 (ça avait bien commencé en 2014, certes). Non pas que je n’ai pas écouté de musique cette année. Mais surtout que je n’avais rien découvert. Ni dans le neuf, ni dans l’ancien. Donc je vivotais sur mes acquis. Craignant le pire. Craignant d’être devenu cette personne qui écoute des trucs découverts entre ses 15 et 25 ans et s’en satisfait. Ravi de ce que je connais, mais craignant d’être perdu pour la cause car largué. Bref, d’être devenu un trentenaire banal. Vous savez, ce cœur de cible de Rock en Seine.
 
 
 
Deux causes se cumulaient pour mener à ça : d’une part, une vie quotidienne heureuse, un goût se développant pour le fait de rester tranquille à la maison le soir ou le week - end, doublée d’une surcharge de travail m’empêchant de trainer aux quatre coins du Net (a fortiori ici).Tout simplement, ce fait de devenir adulte et de préférer refaire le salon et dépenser mon argent dans un canapé digne de ce nom plutôt que d’aller trainer chez le disquaire le samedi et de revenir les bras pleins de bons conseils (ces bons conseils qui m’ont fait découvrir tant de groupes dont je ne prenais déjà pas le temps de vous parler quand je l’avais. Le temps.)
 
 
D’autre part, un éreintement dû au dernier mouvement suivi de prêt : toute cette scène garagecalifornienne, dont les porte-drapeaux sont désormais bien connus : Ty Segall et ses 18 incarnations, Thee Oh Sees, The Fresh & Onlys… Tous des groupes intéressants (même si je dois avouer que Thee Oh Sees, ça ne passe pas avec moi, pas du tout), au sein d’une scène qui n’est même plus frémissante mais virulente aujourd’hui. Tant de sorties sous tant de formats,des Bandcamp en rafale, et ça essaime aux quatre coins du monde… Pour au final pas tant de disques vraiment convaincants, en proportion. A vous rendre nostalgique du manque d’infos que représentait l’ère pré-Internet, quasiment. Rajoutez par dessus que d’un coup, tous les nouvellement hipsters de la capitale ont décidé d’investir les salles où se produisaient ces groupes, arrivant pleins du solipsisme de leur fougueuse jeunesse2, me faisant petit à petit déserter les lives parisiens.
 
 
 
C’est ce qui fait que, progressivement, lassé d’une part par le travail à fournir pour simplement suivre l’actualité, et trouvant que ma vie rythmée uniquement d’une musique déjà bien connue n’était pas si dégueulasse, j’ai fini par me laisser aller à cultiver une nostalgie musicale sans chercher à renouer avec mes grandes heures d’explorateur sonore. Vous le savez, j’ai de toutes façons toujours été un grand nostalgique, même à 20 ans.
 
Puis la vie s’est compliquée. Toujours aussi agréable, mais… La musique n’a jamais été QUE la musique, ai-je fini par réaliser. Elle a surtout été un goût, partagé (ou pas) avec des gens. Des gens auxquels je tiens, et que j’ai fini par ne quasiment plus voir. Si vous me lisez, vous en faites probablement partie. Elle a été le moteur de ma vie sociale ces derniers… pff presque 10 ans. Elle a été un sujet majeur d’arguties, donc de discussion ces 15 dernières années. Devenir adulte peut bien signifier un milliard de choses que je ne connais pas, mais ça ne peut pas être cesser d’être curieux.Enfin, c'est ce que j'ai décidé de croire.
 
 
Ainsi étais-je occupé à vivoter, écoutant les sorties des groupes que j’aimais sans plus de conviction. Puis, il y a quelques jours, j’ai eu un coup de pot monumental. Je suis tombé, au hasard de Spotify 3, sur un album qui ne payait pas de mine, avec une pochette mal dessinée à la Daniel Johnston, et des chansons avec des titres marrants. Y en avait même une qui s’appelait Debbie Downer, et ça, ça me parle.
 
 
Une fois l’album lancé… Quel bonheur. Autant vous le dire tout de suite : même si je le trouve de grande classe, ce n’est pas un chef d’œuvre. C’est un bon album (même pas TRES bon), mais… enthousiasmant. Tellement. Exactement ce petit truc qui m’a manqué ces dernières années. De l’enthousiasme pour un disque. Une envie de le réécouter dès qu’il s’achève. Des mélodies accrocheuses comme pas possible (Debbie Downer, donc, Nobody really Care if you don’t go to the party4 aussi), des paroles malignes et marrantes… 
 
 
Et aussi, je ne sais comment le formuler sans être vexant envers 50 % des albums que j’ai écoutés récemment… un album qui est lo-fi sans jouer cette carte. Les morceaux sont simples, carrés, bien gaulés, un peu de distorsion dans les coins, mais pas 12 épaisseurs de boites d’œufs pour « Faire lo-fi ». Non, la décontration est naturelle, et le côté slacker me parle probablement un brin trop.Ici et là un morceau essaye de pousser les choses un peu plus loin, comme la longue Small Poppies qui se la joue blues, ou la lancinante An illustration of Loneliness (Sleepless in New York) qui sonne comme si Whirlwind Heat avait embauché un guitariste et décidé de faire de la pop5.
 
 
On pense à beaucoup de choses (le premier album de Paws, il y a quelques années, Scout Niblett qui prendrait ses médicaments, 0.5 Moldy Peaches, vous voyez l’idée), et ce disque m’a fait un bien fou. J’ai jeté un œil, et elle joue à la Gaité Lyrique samedi prochain. Pas de chance pour moi, c’est complet.Vous savez quoi ? Ca fait une paye que je n’avais pas été aussi content d’être déçu de rater un concert.
 
 
Ah oui, au fait. Elle s’appelle Courtney Barnett, et l’album s’appelle « Sometimes I sit and think, and sometimes I just sit ». C’était bien la moindre des choses que je m’asseye pour écrire.
 
Merci.
 

 
 
 
1 Par contre, vous m’excuserez d’avance, le côté « transpercer la banalité du fil d’une plume acérée pour la transcender » ce sera peut-être pas pour aujourd’hui, je suis un brin rouillé quand même. 
 
2 Comprendre par là : « Considérant que si tu es mécontent qu’ils t’aient fait renverser ta bière sur ton futal en pogottant sur une ballade, c’est que tu n’as pas la même légitimité qu’eux à être présent à ce concert ». Alors que toi, tu prêtais juste attention à ce qui se passe sur scène. Vieux con que tu es. Quiconque a vu un concert des Black Lips a plus de 25 ans comprendra ce que je veux dire.
 
3 Ouais, maintenant j’ai un abonnement Spotify. Je sais. Mais il venait avec mon forfait téléphone, donc… Par contre, c’est une bénédiction autant qu’une malédiction : 1. Ça me bouffe mon forfait assez facilement parce que 2. Ça ne m’aide pas avec ma tendance au zapping. Même si je sauvegarde 15 albums, il y a un moment où je vais vouloir chercher autre chose et bam, ça me bouffe mon forfait.
 
4 Dont le refrain « I wanna go out but I wanna stay home » résume grosso modo mon année 2015 je crois.
 
5 Soit donc un truc qui n'a pas grand chose à voir avec Wirlwind Heat. Oui, mon sens de la comparaison m’a l’air bien rouillé aussi. Par contre mon goût de la note de bas de page inutile est intact, on dirait.

 

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14 mai 2013 2 14 /05 /mai /2013 19:37

Avec le temps, je suis de plus en plus souvent obsédé par des chansons plutôt que des albums. Et égard à cette constatation, et tout simplement parce que parfois une chanson vaut mieux qu’un long discours critique, et qu’en plus ça me prend moins de temps, voici quelques mots sur des chansons beaucoup écoutées ces derniers temps…

 

James Leg – Drinking too much.

 

Vous le savez surement déjà, je ne suis pas très blues. Certaines de mes sorties les plus mémorables ont eu pour sujet cette musique dont je dois avouer, à mes risques et périls, comprendre l’intérêt historique, mais pas l’intérêt tout court*. Et puis d’un coup, une chanson affiliée qui me tape dans l’oreille : James Leg, des Black Diamond Heavies, qui s’échine sur un piano de bastringue à nous narrer comment il a dû foutre sa copine à la porte parce qu’elle lui reprochait de boire trop. Le tout avec une mélodie pas dansante, non, mais presque, du moins qui donne envie de claquer des doigts et de dodeliner de la tête. Un morceau qui m’a fait bloquer à 1 mètre de la chaine la première fois que je l’ai écouté, et que je me repasse depuis régulièrement en revenant du boulot.

 

 


 

 

 

L’album : James Leg, Solitary Pleasure, Alive Records, 2011

 

Foxygen - Make it known

 

Tout le monde s’accorde à trouver le dernier album de Foxygen, avec son nom improbable, magnifique. Et il l’est. Cependant, j’ai tendance à lui préférer le premier. Non pas par pur snobisme, mais simplement parce que le premier à ce côté beaucoup plus dingue, plus barré que je trouve un peu trop dilué dans le second album. Le second est plein de belles compositions, le premier est un empilement d’idées, qui font qu’on ne sait jamais sur quoi va déboucher le morceau qu’on entend démarrer. Le cas de Make it known est l’exemple parfait : passé cette intro un peu chiante, ca part dans tous les sens et c’est très agréable même si un peu éreintant. Ca n’aurait vraiment pas été une sélection de « chansons », j’aurais calé quasiment toute la première face, ne serait-ce que pour le plaisir de l’enchaînement « Make it known » / « Take the kids off Broadway ». Ce premier Foxygen, c’est un peu le troisième album que je rêverais de voir MGMT faire.

 

 


 


L’album : Foxygen, Take the kids off Broadway, Breakfast Horse 2011 / Jagjaguwar  2012

 

The Go – Maribel

 

Vous risquez de pas mal entendre parler de The Go ici dans les temps prochains, pour de multiples raisons – en particulier leur dernier album. Mais surtout, il est temps de profiter des splendeurs d’Internet pour se ruer sur tout ce que le groupe a publié – ou presque, ces enregistrements étant enfin disponible en écoute via le bandcamp tout neuf du groupe. Au milieu des albums depuis longtemps introuvables, se niche une splendeur, que dis-je, une pépite : la compilation des singles et jingles. Passé les versions « alternatives » de titres déjà appréciés sur les albums, qu’on découvre ici sous leur format single ou EP, c’est aussi l’occasion de découvrir les faces B du groupe dans sa période « Howl on the Haunted Beat you Ride », dont, j’y viens, Maribel.

Mes aïeux, quel titre ! Chanson de dragueur loser, perfection pop qu’on dirait échappée des 60’s, cuivres, refrain d’inspiration Turtles / Monkeys pointe de soul et pont à se damner… Un titre comme on aimerait en découvrir plus souvent.

 

 

 


Le single : You go banging on / Marybel, Italy Records 2006 (La face A est bien aussi, pour info)

La Compil: Singles, Jingles and EP, The Go via l’Internet, 2013

 

 

* Au final c'est toujours l'histoire d'un gars qui s'est levé ce matin et à qui il arrive que des emmerdes, non?

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19 avril 2013 5 19 /04 /avril /2013 18:22

http://sphotos-a.xx.fbcdn.net/hphotos-ash4/p480x480/483579_510864845618153_1728900662_n.jpgDemain c’est le fameux « Disquaire Day ». Vous ne pouvez pas ne pas être au courant à moins de vivre dans une cave privée d’Internet, et même à la radio et à la télé ils en parlent. Eh bien, tout discophile que je sois, je pense que je vais m’offrir le luxe d’une grasse matinée, car je vais être honnête avec vous : je n’en peux plus. Je ne supporte plus d’en entendre parler, je ne supporte plus ce débordement d’enthousiasme feint et sans fin.

 

L’amour dure trois ans

 

Pourtant la première année j’étais plutôt du genre motivé, enjoué moi aussi. J’avais traversé Paris dans tous les sens, retrouvé des potes dans quatre boutiques différentes et achevé ma soirée en voyant Jay Mascis en concert, il n’y avait vraiment pas de quoi se plaindre. Mais depuis… Eh bien depuis, déjà, je suis devenu sinon plus blasé, du moins plus connaisseur. Quand il s’agit d’aller quérir des vinyles, maintenant, je sais où je dois aller, je sais quelles boutiques m’intéressent, pour quels disques. Alors peut-être que je ne comprends pas ce jour parce qu’il ne me concerne pas vraiment (surement de la même manière que  - enfin peut-être, en vrai j’en sais rien – les gothiques trouvent qu’Halloween c’est naze).

 

Déjà l’an dernier, en me présentant devant un Gibert Joseph lyonnais bondé à l’ouverture, j’étais plus dubitatif quant à l’évènement. Parce que j’ai vu de mes yeux l’existence de ce que je suspectais pourtant mais qu’une part de moi (le hippie vivant en moi) refusait d’accepter : les spéculateurs. Et ça m’a juste gonflé au plus haut point de me faire bousculer par des mecs qui se rue sur la moindre édition (très) limitée. Sont-ce des collectionneurs maniaques ou juste, comme mon cerveau l’imaginait dans cet instant, des personnages méprisables qui seront connectés sur eBay moins de 10 minutes après leur passage en caisse, je n’en sais rien. Toujours est-il que j’ai chopé la réédition de « Face to Face » en partie pour empêcher le mec qui avait déjà pris « Something Else » et « Arthur » d’avoir la complète (édition limitée disais-je : un exemplaire de chaque dans le magasin). Ça reste un des disques les plus… cons de ma discothèque (le pricipe de la réédition 2 LP avec l’album en mono sur un et en stéréo sur l’autre, c’est un peu débile) ça reste un bel objet, et un album fabuleux. Mais je reste un brin amer en repensant aux circonstances de son achat. Mais bon, j’avais fait picoler Xavier, j’avais des bons disques à réécouter le lendemain, j’allais pas me plaindre. Et puis…

 

Aussi belle qu’une balle (dans le pied)

 

Enfin, pour être pleinement honnête, je trouve que l’initiative est bonne. Créer un jour pour rappeler l’importance que peut avoir un disquaire en tant que conseiller c’est une bonne chose. Un disquaire, c’est pas le mec en gilet de la Fnac (voire pire – de Virgin1), c’est pas non plus la rubrique « les acheteurs de ce produit ont également acheté… »  Un vrai disquaire, c’est l’ami de vos oreilles et l’ennemi de votre portefeuille. C’est quelqu’un qui finit par connaître tes gouts, et qui te conseille des trucs qui te plaisent même si tu lui demande rien. C’est un passionné qui a franchi un cap que toi tu n’as pas franchi : dévouer, à sa façon, sa vie à partager son goût pour la musique. C’est le prêtre de la grande confrérie des geeks musicaux, chacun a sa paroisse, ce qui n’empêche pas d’aller prêcher ou se faire sermonner dans d’autres chapelles, à l’occasion.

 

Sauf qu’évidement, un simple « jour des disquaires », pour noble qu’il serait, ne serait surement pas efficace. Il faut, si j’ose dire, de la matière. Des disques. Le disquaire Day sans disques spéciaux, ce serait comme le Téléthon sans Gérard Holtz qui te dit de te mobiliser. Et qui fait les disques ? Les maisons de disques. Ca y est, l’arme est chargée.

On sait tous que des années durant, les majors ont infiniment plus préféré traiter avec… les majors disquaires (donc les Fnac et Virgin – je ne sais pas si Gibert compte vraiment aussi ou pas… Et c’est volontairement que je ne compte pas les « Espaces Culturels Leclerc ») parce que ça facilité les circuits de distribution et que ca permet de toucher plus de monde. Il y a une logique au fait que les disquaires survivants qu’on peut trouver aux quatre coins de Paris soient généralement axés « vinyle ». Ils ont survécu parce qu’ils dealaient ce que les gros avaient arrêté de produire et ce que les autres gros ne voulaient pas vendre.

 

Bref, faire intervenir les maisons de disques dans la célébration des disquaires, c’est une idée qui paraît presque logique à la base, mais dans les faits… C’est comme de demander à Phillip Morris d’organiser la journée mondiale anti-tabac.

 

Vinyl Vidi Vici.

 

Il manque juste un petit détail pour finir de mettre en place le piège. Et ce détail… Il est là depuis un an. Mais il est aussi là depuis quoi… 60, 70 ans ? C’est évidemment le vinyle. Format qui ne cesse de faire son retour en force. Depuis dix ans. Au moins.

On ne compte plus les reportages sur « le retour du vinyle », il y a même eu un article sur le sujet dans Télérama, et tout le monde a en tête cette citation d’un grand philosophe français amateur des pantalons en pied-de-poule : « Les gens se remettent à acheter du vinyle. On a même pressé le dernier Marc Lavoine sur ce support ».

Et la grande valse des arguments spécieux de commencer, comme s’il avait fallu 30 ans aux gens pour réaliser que la pochette est plus grande sur un vinyle que sur un CD. Oui, bien sur il y a une part de snobisme là-dedans. De la part des gens se remettant à acheter des vinyles , par volonté de pas faire comme tout le monde, par envie de montrer qu’on est pas n’importe qui, qu’on sait vraiment apprécier la musique et qu’on sait que le son du vinyle est plus chaleureux (« depuis que j’ai encodé mon vinyle de Woodkid en USB, mes mp3 sonnent plus tendre dans mon oreille ».) De la mienne évidement, qui ne veut surtout pas, surtout pas, ô grand jamais être confondu avec ces gens. Une fois on m’a sorti qu’acheter des vinyles c’était un truc de hipster. C’est super dur de contredire une telle accusation. Parce qu’il est toujours plus facile de faire quelque chose que d’expliquer aux impies les causes profondes qui t’amènent à le faire.

Bref, le retour du vinyle, c’est la poule aux œufs d’or qui fait fantasmer l’industrie musicale mourante. L’option qui va la sauver. L’évidence. Vendons de la merde, oui, mais en vinyle. Parce que le truc génial, c’est que le vinyle, c’est plus cher que le CD. Ben oui. Quoi ? Comment ça, quand le CD est sorti c’était plus cher que le vinyle et c’est resté comme ça pendant presque toutes les années 90 ? Affabulations, jeune homme, le vinyle est plus cher forcément, vu que c’est plus beau et plus fragile. Alors quand en plus il est rare…

 

Medium Rare

 

Tout est prêt. Il suffit de sortir des vinyles, spécialement pour l’occasion, à tirage limité. Très limité. Trop limité. Créer du « collector immédiat », du truc qui sera tiré à quelque 100, 300, 500 exemplaires max. Et profiter de la possible perspective d’en tirer le double, triple sur eBay, pour faire grimper un peu les prix. Dès l’instant où les gens foutent les pieds chez le disquaire et achète quelque chose, le contrat du Disquaire Day est rempli, non ?

Sauf que l’amateur n’y trouve pas son compte. 300 exemplaires répartis sur toute la France, la probabilité de foutre la main sur un est quasi-nulle si on est pas au bon magasin à l’ouverture. Bon, certes, on peut espérer un peu en le mauvais goût des gens pour nous laisser des trucs, mais on n’est pas là pour ramasser les miettes des sandwiches que d’autres auront beurré. Que voulez-vous, l’égo.

 

Je n’ai rien contre les tirages limités, ceci dit. Quand ils sont justifiés. Des disques tirés à 300, 500 exemplaires, il y en a plein, souvent parce que l’investissement est conséquent, qu’il faut pouvoir les écouler. Bon, ok, pour amuser les gens on en fera 200 sur vinyle coloré, mais bon, on va pas limiter le pressage à ça. Et peut-être que si on vend tout, on en repressera. Mais le but de base reste de faire circuler, faire découvrir quelque chose.

Là, ce n’est pas la même chose. La volonté de créer du collector, puis la nécessité de dispatcher à l’échelle européenne font que… les disques les plus intéressants se trouveront en nombre oscillant entre 50 et 150 exemplaires à l’échelle de la France. Or ce n’est pas comme si EMI ou Universal  risquaient leur PEL à presser quelques exemplaires de plus d’un vinyle, malgré ce qu’ils racontent.

 

Prenons un exemple fort simple : Demain parait l’enregistrement live de Stephen Malkmus reprenant, avec quelques amis, l’album Ege Bayamsi de Can. Le truc est suffisamment intriguant, intéressant, pour que sans trop y réfléchir, je décide de l’acheter. En plus, c’est publié par Domino, qui a une politique tarifaire plutôt réglo concernant les vinyles. Sauf que, nombre d’exemplaires en vente en France : 100.

Passé la déception et la colère, le bilan à en tirer est simple : je vais pas pouvoir mettre la main dessus, et quand bien même j’y arriverais, je suis dans l’instant tellement gonflé par le fait qu’il y en ait si peu qu’il est possible que je le prenne même pas. Corollaire : par contre, je vais pas me priver d’essayer de le choper en mp3.

Même ordre d’idée (amusant) : l’an dernier, pour contenter les fans de Bowie, EMI a décider d’éditer un 45 tours de « Starman » en picture disc. Même si je suis pas fan des picture disc, je dois avouer que l’objet était plutôt joli, et puis, on le sait tous, le titre est fabuleux… Mais bon, le prix était tel que pour un ou deux euros de plus, il était possible de s’acheter l’album entier sur vinyle. Qui est également un objet plutôt joli, et avec encore plus de titres fabuleux, non ? (Remarquez : cette année, ils remettent ça avec « Drive-in Saturday »)

 

You go bangin’ on

 

Reste la question essentielle : ce jour-là profite-t-il aux disquaires eux – mêmes ? C’est beaucoup d’organisation, de travail, de stress (on n’est pas à l’abri d’une commande qui n’arrive pas)… Cela en vaut-il le coup ?

 http://i500.listal.com/image/2075460/500full.jpg

Huh? 7" by Coldplay? Get the Hell out of my store!


Bon, entre le ram dam fait autour du truc, la présence toujours possible de collectionneur obsessionnel et les spéculateurs, je ne doute pas que ce jour s’avère rentable du point de vue strictement financier. Par contre, la question reste de savoir si cet évènement permet vraiment de se faire découvrir par de nouveaux clients ? D’expérience, j’aurais tendance à en douter. Le nombre de gens ayant si j’ose dire la « politesse » de ne serait-ce que dans les rayons non estampillés « Record Store Day » paraît minime. Alors y acheter…

Un peu comme un magasin de fringues pendant les soldes, sauf que les gens se ruent sur les trucs plus chers que d’habitude.

 

Le plus joli des (passez-moi l’expression) « coups de pute » autour du Disquaire Day 2013 vient, étonnamment… des maisons de disques elles-mêmes (enfin de certaines), qui n’ont pas l’air d’avoir tout compris. Je vais pas me gêner pour les citer : demain, PIAS et Tricatel (et peut-être d’autres, je ne sais pas , n’hésitez à me dire lesquels) décident d’ouvrir un disquaire éphémère dans leur locaux, pour écouler leurs disques. C’est une bonne idée, j’aime beaucoup le fait de couper les intermédiaires… Mais pourquoi concurrencer soudain les disquaires lors du jour où l’on est censé les faire découvrir et les célébrer ? Où est la logique ? Il vous reste 364 jours par an pour faire votre opération portes ouvertes, les gars, oh ! Je comprends que vous ayez envie de participer, mais… c’est quand même un fabuleux coup de couteau dans le dos de certains de ceux qui vous permettent de tenir tout le reste de l’année, non ?

 

 

Mais mis à part ce petit coup en traitre, le Disquaire Day permet – il aux disquaires indépendants  de se faire de nouveau clients, ou juste de subir une journée en enfer, en ayant cependant l’occasion de voir l’adresse de leur échoppe recensée sur le site de l’évènement ? Sincèrement, je n’en sais rien. Mais j’espère vraiment que d’une certaine façon ça leur réussit. Parce que je sais que mon disquaire remplit pour moi le rôle que les maisons de disque et la radio ne sont pas foutues de remplir, et que j’aimerais bien, moi, qu’il en tire quelque chose : que plus de personnes se mettent à l’appeler « mon disquaire »

En attendant d’en savoir plus, je continuerais à considérer que le Disquaire Day est à la musique ce que la Saint Valentin est à l’Amour : un jour où l’on se sent obligé d’acheter une connerie pour montrer à quel point c’est important pour soi. Reste que demain, je vais peut-être rester couché, et passer seulement quand après la vague, ou peut-être pas. Pour deux raisons. La première, c’est qu’avec moi, c’est Disquaire Day toutes les semaines, je n’ai pas besoin qu’on me dise quel jour je dois passer. La seconde, c’est qu’il y a de grandes chances qu’au milieu de la foule, la seule chose que j’aie vraiment envie d’acheter soit une arme. Une arme blanche, bien évidemment, restons analogique jusqu’au bout.

 


 

PS : Je suis le premier surpris d’écrire un article aussi « sérieux ». Promis je le referais pas.

 

1 C’est pas mon genre de tirer sur les ambulances, mais… Je me rappelle, au moment de la liquidation de Virgin, avoir eu une conversation avec quelqu’un m’ayant sorti « quand on voit ce qui se passe avec Virgin, j’ai décidé de ne plus acheter sur Amazon »… Après avoir ri il m’a paru utile de rétablir la vérité : Virgin, en termes de musique, c’était quand même des prix (hors promos 4 disques pour 20 €) rédhibitoires, des stocks pourris (comprendre : de la merde à la pelle, mais plein de simplement absents – et je parle même pas du classement « stylistique » fait avec les pieds - même à celui des Champs-Elysées) et des vendeurs conseillers désagréables et incompétents. Mais ça personne il l’a dit à la radio.

 

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9 avril 2013 2 09 /04 /avril /2013 17:00

Cet article est prévu depuis longtemps, mais il a fallu que les événements me poussent au cul. Depuis a création de cette rubrique, je sais que mon top 5 Smiths invitera Thomas, et je ne vous cacherais pas que quand il a décidé de fermer le Golb, ma première (bon, ok, seconde) pensée fut « Mais, et le top 5 des Smiths alors... »

Et quand il l'a rouvert c'est lui-même qui me signifia : «  tu sais, mon top 5 Smiths il est prêt depuis 2 ans, hein ».

Il y a un mois, je lui ai dit que de se tenir prêt parce que j'allais sûrement m'y mettre sous peu, les conditions m'étant favorables. Samedi dernier, il me fit comprendre qu'il attendait toujours. Dimanche midi, j'ai attaqué l'écriture en revenant de déjeuner chez mes parents. C'était mauvais j'ai rien gardé. De ce que j'ai écrit, pas du déjeuner. Ce matin, je m'y suis remis, au boulot. Pire encore.

 

Mais le monde étant ce qu'il était et mon esprit voyant des symboles partout, ben voilà, j'ai plus trop le choix.

 

http://www.tasoeur.biz/images/2011/12/24/the_smiths.jpgLes Smiths sont un des groupes que j'écoute aujourd'hui encore le plus régulièrement avec toujours le même plaisir. Le temps ne semble pas avoir de prise, et la lassitude qui serait pourtant légitime (il y a longtemps que l'intégrale de ce qu'ils ont fait est gravée dans mon « Juke Box mental ») ne semble pas prête de s'installer. C'est également un groupe qui surgit dans les moments les plus improbables, et la plupart de mes proches ont déjà entendu parler de la fois où, pendant les soldes, j'ai acheté un costume non soldé, juste parce que « This Charming Man » s'est mis à résonner dans le magasin au moment précis où j'entrais dans la cabine d'essayage. Bon, aussi, le costume m'allait bien et j'avais besoin d'un costume, mais vous saisissez l'idée.

J'ai découvert les Smiths à l'exact moment où il fallait pour que je les aime. C'est à dire quelques mois avant d'être diplômé. Il y a à mes yeux une incroyable logique là-dedans. On dit toujours que le rock est la musique de l'adolescence, ceci cela. Les Smiths, paradoxalement, et sous des dehors de romantisme ado exacerbé, est pour moi le groupe du passage à l'âge adulte. Je serais bien en peine d'expliquer pourquoi. Mais c'est prégnant, ne serait-ce que parce qu'il faut une certaine maturité (et une certaine pratique de la langue anglaise) pour saisir (sinon apprécier) la finesse, la profondeur, l'intelligence du songwriting de Morrissey. Donc oui, on risque de parler paroles, ne serait-ce que parce que ; plus encore que Dylan, je suis intimement convaincu que les Smiths font partie de ces artistes que les obtus pensant que « Les paroles c'est pas important » ne parviendront jamais à apprécier.

E même temps c'est bien fait pour eux.

 

 

 

 

Still Ill

 

Parce que c'est la chanson qui m'a, a première, fait réaliser que, plus qu'un bon parolier, Morrissey est un garçon qui a le sens de la formule. A l'image de son idole Oscar Wilde, il est capable, par-delà le simple fait d'être un bon auteur, de lancer parfois un trait de génie. Qui dans beaucoup de cas sera la seule chose que les gens retiendront, utiliseront hors contexte et gâcheront. (Wilde, Morrissey, Desproges, même combat)

I decree today that life is simply taking and not giving

There is a brighter side to life, and I should know bcause I've seen it, but not very often

On pourrait à l'aise citer l'intégralité du texte. Surtout qu'il n'est pas si long.

 

Mais il convient également d'ajouter un mot sur le musique, tout simplmeent, vu que ce morceau est caractéristique du style « Smiths, » à savoir quelques accords rêches, des arpèges rapides et ce son de la Rickenbacker de Johnny Marr... Et le tout porté par une ligne de basse bondissante, obsédante... Plus Smithien que Still Ill, tu meurs.

 

 


 

 

 

What she said

 

Johnny Marr's Guitar, round 2. Assorti d'une comparaison surprenante.

J'adore ce son. Ce son de guitare tournante, tourbillonnante qui ne s'arrête jamais ou sinon pour laisser place à une respiration qui ne servira qu'à repartir de plus belle. D'instinct, le seul morceau qui me vient immédiatement à l'esprit est … le Bodies des Smashing Pumpkins. Et j'ai une tendresse particulière qui me vient à l'idée que mon adolescence s'est ouverte et fermée sur ce cette même structure obsédante. Et quand bien même ce serait faux, mon goût de la symétrie s'en félicite.

Il va de soi que les paroles hilarantes, et le chant enjoué et envenimé de Morrissey ne ont que des raisons supplémentaires de la présence de cette chanson ici. Raison de plus : c'est peut être la seule chanson dont je préfère presque la version live de « Rank », où le morceau est « medleytisé » avec « Rubber Ring »... et la relance finale de l’assaut des guitares, Morrissey yoddlant la fin de Rubber Ring par dessus est, étonnamment, un de mes passages préférés de l’œuvre entière des Smiths.

 

 

 


 

 

 

I know it's over

 

C'est ce morceau qui m'a converti. Il se devait donc d'être là. Déjà il est construit selon un crescendo long de 6 minutes, ce qui en fait un morceau comme je les aime. Ensuite, il mêle une véritable tendresse à la limite de l’apitoiement à un sarcasme, un cynisme appliqués au narrateur lui-même qui ne peuvent que m'évoquer... ben moi, un peu. Ensuite, ce morceau a été la Bande Originale d'une période des plus bizarre e mon existence, le sus-cité passage à l'âge adulte, ou plutôt du moment précis où j'ai réalisé qu'il allait arriver sous peu et que j'allais devoir prendre d'une façon ou d'une autre ma vie en main... chose assez flippante, alors quand on sort d'une histoire sentimentale ratée (pas dans le sens nulle, mais plutôt celui d'une opportunité mal négociée et donc ratée à même d'emplir de remords), qui s’enchaîne avec une autre histoire, plutôt à ranger dans la catégorie « mort-née », celle-là... le désespoir et l'espoir mêlés de ce titre, et ses mots durs, mais juste, qui brisent tout autant qu'ils permettent de se focaliser et d'aller de l'avant, on les écoute plus d'une fois, je peux vous le dire.

 

It's so easy to laugh, it's so easy to hate. It takes strength to be gentle and kind.

 

Cette phrase est si simple et évidente qu'elle paraît niaise. Pourtant Dieu sait qu'elle est difficile à appliquer. Mais si tu es si malin pour la trouver niaise... Pourquoi es-tu seul ce soir?

 

 

 


 

 

There is a light that never goes out

 

Niaisierie épisode 2 ?

Soyons honnêtes un millième de seconde : le texte de cette chanson est presque à même d'interdire à jamais de dire que les Beatles ont écrit quoique ce soit de niais. Cette chanson est emplie d'un romantisme adolescent exacerbé à l'absurde, tout y est, et se terminer par l'extase de la mort des amants, tout amplifiée à l'extrême... Et c'est bien évidement cela qui rend ce titre imparable. Peu de chansons ont le même talent lorsqu'il s'agit de m'emplir de joie, d'espoir, de courage. Dès que résonne l'intro, mon cœur s'allège, je souris, et je nourris les rêves les plus fous.

Un jour que j'allais boire un verre avec une file qui me plaisait vraiment, un peu stressé par la possible issue négative de la soirée, j'entendis ce titre résonner dans le bar alors qu'on avait à peine posé nos manteaux. Soudain, le cœur léger, le goût du symbole, aussi, m'envahissant, l'issue de la soirée ne faisait plus de doute, no matter what, j’allais me lancer, tenter ma chance. Bien m'en a pris.

 

(Certes, je me suis fait larguer par téléphone 70 heures plus tard mais quand même.)

 

 

 


 

 

Ask

 

Finissons-en, bouclons la boucle. Si les Smiths ont accompagné ma sortie de l'adolescence, Morrissey est également celui qui a le mieux résumé l'ado que j'ai pu être. Au final, c'est peut-être ça, la fin de l'adolescence : c'est quand on prend conscience qu'on a été un adolescent. Donc, souvent, un imbécile. Et qu'on prend conscience de ce qu'on a pu être de ridicule, d'aveuglement, de bêtise. Qu'on pense aux erreur qu'on a faites, mais également à celles qu'on a pas faites, aux occasions manquées, aux choix qu'on a mal faits, aux filles qu'on a pas osé approcher. Au ridicule petit gars qui se prenait pour Rimbaud, dans ce carnet noir, enfermé dans la chambre à l'étage. A ses parents qui utilisaient cette phrase qui déjà semblait ridicule à l'époque « Tu vas pas rester enfermé, il fait beau dehors ». Et donc, chaque fois que résonne « Shyness is nice, and/Shyness can stop you / From doing all the things in life / You'd like to (...)Spending warm summer days indoors / Writing frightening verse /To a buck-toothed girl in Luxembourg », je me rappelle pourquoi j'aime les Smiths. Parce qu'ils me parlent. A moi, mais aussi au moi passé, et sûrement, au moi futur. Qu'ils sont là pour sermonner le moi lâche, pour encourager le moi hésitant, pour botter le train du moi timide, pour accompagner le moi qui ose. Et que j'entends que ça reste comme ça pour longtemps, jusqu’à ce que je tombe « Asleep » et qu'on ai à me conduire aux « Cemetery gates ».


 

 

 

 

La Selection de Thomas se trouve ICI.

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12 février 2013 2 12 /02 /février /2013 21:15

Lyon. Un week-end de 2007. Ou de 2008. Probablement 2008. Par contre, je n'arrive plus à me rappeler lequel, ni ce que je faisais à Lyon. Ca devait être 2008, parce que si j'ai écouté Nick Cave plus que de raison quand j'étais à Lyon en 2007, ce n'est qu'en 2008 que j'ai acquis Abattoir Blues / the Lyre of Orpheus. A Lyon pourtant. Ma mémoire n'est sûrement plus ce que je crois qu'elle était.

Toujours est il que je déambulais dans la Gare de la Part-Dieu quand c'est arrivé. Soudain, pour la première fois depuis des années, un titre, que j'avais pourtant déjà écouté quelques fois auparavant, m'a collé, d'un coup d'un seul, lors d'une montée / pont final, un sévère coup derrière la tête. Et me voilà, figé, frissonnant, au milieu de gens courant après leurs trains.

 

Hey, little train, wait for me. I once was blind, but now I see...

 

La seule raison pour laquelle je vous raconte ça, c'est que je ne me suis rappelé de ce moment de ma vie qu'hier soir. Elle est là la puissance de l’œuvre Cavienne (c'est cela dit le propre de l’œuvre de tout Grand), celle de nous dire, de nous rappeler de nous découvrir nous-mêmes.

 

Les Cavistes (que j'espère nombreux parmi les lecteurs de ces pages) ne devraient pas avoir besoin de plus que ça et de la setlist du concert d'hier pour comprendre à quel point j'ai passé une soirée extraordinaire. Mais c'est un peu court (jeune home) pour les autres, donc voilà.

 

http://blogs.lexpress.fr/judebox/wp-content/blogs.dir/687/files/2013/02/59ce89d2-630x630-300x300.jpgJ'ai décidé de prendre une place pour le concert de Nick Cave au Trianon pour la raison la plus con du monde : pour me venger de n'avoir pas pu avoir une place pour le concert de Pulp à l'Olympia. Je voulais y être, presque plus que je ne voulais y assister. Car voyez-vous, le petit problème, c'est que ce concert était là pour présenter le nouvel album. Nouvel album qui ne sort que lundi. Mais que tout le monde a déjà écouté. Sauf moi. Parce que tant qu'à faire, je voulais faire les choses bien. C'était ma première fois avec Nick Cave, tout de même.

 

Or justement, le problème c'est que l’œuvre du gars ces dernières années n'était pas vraiment à l'image de ses gloires passées. Si j'osais, j'avouerais que le dernier morceau de sa main qui m'ait vraiment entièrement convaincu, c'est « No Pussy Blues ». 2007, donc.

Enfin, ça c'était avant hier soir.

 

La salle du Trianon est charmante, avec ses sculptures et ses labris ses balcons en corbeille, sa moquette râpée de centre de Sécurité sociale. Le long rideau rouge pend sur la scène , et on se dit qu'au moins, le lieu est agréable – ce qui n'est pas plus mal vu qu'il faut y retourner dans quelques mois. En attendant qu'arrive Ska, et faute de pouvoir payer autrement que par carte bleue, je sirote un Jack Daniells 1 pour me mettre dans l'ambiance quand s'ouvre soudain le rideau rouge... sur un écran. Pour la diffusion du making of du dernier album. Ce n'est pas la chose la plus fascinante du monde, mais ça occupe. Surtout que (c'est le barman qui me l'a dit) le concert commençant à 20 h 30 ça ne devrait plus tarder.

 

C'est à ce moment que je retrouve Ska et sa chère et tendre. On discute quand le noir s'abat sur la scène. Les Bad Seeds ont tellement changés qu'on peine à reconnaître les musiciens, sauf évidement Warren « Robinson » Ellis. Il faudra que le Caveman himself excuse un Thomas Wylder malade pour réaliser que le batteur remplaçant de ce soir n'est autre que... Barry Adamson!2

Le groupe est accompagné, j'ai oublié de le dire, de plusieurs choristes : deux jeunes filles et quatre enfants, auprès desquels un Nick Cave étonnamment joueur avec son public ce soir ne cessera de s'excuser à chaque insulte proférée. (Enfin, à chaque « fuckin' ». Et ça fait fuckin' souvent).

 


 

Nick Cave, lui, n'arrive évidement qu'en dernier pour s'emparer du micro et saluer la salle, avant d'annoncer le programme de la soirée : Jouer d'abord le nouvel album dans l'ordre (« et non en shuffle comme tout le monde l'écouterai de nos jours »), puis ensuite jouer « some other old stuff ». On signe évidement des deux mains. Surtout pour les old stuff, parce qu'on vous rappellera ma situation : Cave ne m'a pas convaincu sur disque depuis … 2004 ?, et je ne sais pas encore vraiment à quoi ressemble l'album.

 

Dieu merci, les titres sont doux, Cave articule suffisamment bien pour que même dans les moments où je suis un peu moins convaincus (moments étonnamment rares, car, je le découvre ce soir même, l'album est plutôt très bon), je peux m'accrocher à l'écoute des paroles pour être certain de ne pas m'ennuyer un instant. Cela entraînera évidement quelques instants d'incompréhension (« Attends, c'est moi ou il vient bien de chanter « Wikipedia is heaven » ? Attends, il vient pas de dire « Hannah Montana » ? Faut croire, il vient de dire « Miley Cyrus ». Oh merde. Dans une chanson qui s'appele « Higgs Boson Blues »3)

 

Du nouvel album, je retiens surtout « We know who U R », ouverture sombre et tendre, « Jubilee Street » et « Finishing Jubilee Street », « Higgs Boson Blues », et le titre intitulant l'albm « Push the sky away » (Ce titre résonne particulièrement en ce jour de papauté démissionnaire, d'ailleurs...)

 

D'un certain côté, alors même que je me fais terrasser par certains titres, je sais que j'ai fait tout à la fois le bon et le mauvais choix. Découvrir Jubilee Street et son final, comme ça, sur scène, c'est le meilleur moyen de le découvrir, explosif, tranchant, impressionnant... Mais enfonçant fatalement, pour toujours, tout espoir d'être jamais réellement convaincu par son pendant studio qui n'atteindra jamais la même énergie, ne me mettra jamais, jamais, malgré toute la bonne volonté que le groupe comme moi pourraient y mêler, dans le même état que durant ces instants fugaces de communion.

Le même problème se posera pour « Higgs Boson Blues », même si l'incongruité des paroles me permettra de garder un peu plus les pieds sur terre.

Push the sky away conclut la première partie du set sur une note douceâtre, m'inspirant une image pas très inspirée à base de Leonard Cohen meets Kid A. La métaphore est pourrie, mais la chanson est belle.

 

Alors voilà. On est déjà très convaincu par l'album qu'on vient d'entendre. Mais d'un autre côté... C'est maintenant que l'excitation monte vraiment. Vraiment.

 

« And now, as promised, let's play some old stuff ».

 

On a à peine le temps de respirer qu'on abandonne tout ce qui faisait l'ambiance de la première moitié du concert. De halos pâles, la lumière s'ensanglante soudain, Nick saisit le micro et...

 

« I wanna tell you about a girl »

 

Non... Si.

 

From her to eternity, comme ça, direct. Plus de mélancolie, mais du sombre, du violent, Cave gesticulant, sautant, éructant... Nick Cavant. Il est en forme pour un vieux. Et il ne nous laisse pas vraiment de répit, nous entraînant dans la poisseur de sa discographie passée... Car à peine achevée cette performance sur un de ses titres de jeunesse... sonnent le glas. Non, sérieusement, Nick. Red Right Hand ? Maintenant, comme ça ? A croire qu'il veut convaincre au plus vite ceux qui auraient pu ne pas l'être suite à la première partie...


http://photo.parismatch.com/media/photos2/3.-photos-culture/musique/nick-cave-a-londres/5345693-2-fre-FR/Nick-Cave-a-Londres_articlephoto.jpg

 

Mais bon, on ne peut pas tout faire dans la poix... Il est donc temps de remettre un peu de lumière dans ce théâtre. Ce sera O Children, qui, une fois que j'aurais compris qu'en fait ce n'était pas Easy Money, me bloquera à mi chemin entre le Trianon en 2013 et la Gare de la Part-Dieu en 2008. Oui, disons 2008, vous l'aurez deviné.

Et afin de vraiment poser les choses, de calmer l'ambiance à nouveau, ce sera the Ship Song, avant de dire bye-bye aux choristes (il est 22h, c'est l'heure de coucher les enfants.) Et ainsi, pendant encore quelques titres, les Bad Seeds, entre eux, de nous offrir, selon l'humeur, ce savant mélange de sang, de sueur, de larmes et de foutre qui constitue le cocktail unique de l’œuvre de Nick Cave.

A nouveau, on repart d'un sommet de violence avec Jack the Ripper, menée de main (de fer) de maître.4 Et on se surprend à découvrir ce groupe, ancien, rodé, déroulant ces titres avec une fougue et une énergie et une bonhomie (j'ose le terme) attendrissante. Pro, mais humains. Sauf le grand maître de cérémonie, pénétré, qui aimante le regard. Il y a là un déséquilibre aussi fascinant que frappant, ant, derrière lui, le groupe semble s'amuser tandis que lui prend les choses au sérieux.... Sauf que... sauf qu'il est un moment ou tous doivent s'amuser, et ce sera Deanna. On connaît tous ce titre, ce n'est pas lui le pic de la carrière des Bad Seeds, c'est, mais il est impossible de bouder son plaisir, surtout sur une version live aussi entraînante5.

 

Maintenant on s'en doute, il est temps de rebaisser le ton d'un cran, et le patron de s'installer au piano (dont on découvre l'existence à ce moment à vu qu'il n'avait pas servi jusqu'à présent!). C'est le moment souffrance. Your Funeral, my Trial, puis... Love Letter. Love Letter, Love Letter...

Paradoxalement, ce sera le moment « bas » de cette session (enfin à mes yeux), ce qui est surtout le preuve (sinon de mon manque de goût diront certains) du côté relevé de ce menu best of. Qui doit bien évidement s'achever en feu d'artifice...

 

I begin to warm and chill... To objects and their field....

 

Évidement. En plus la gonzesse derrière moi arrêtera enfin de gueuler « The Mercy Seat » à la fin de chaque morceau. Sauf que. Insatisfait par le démarrage, le groupe reprend le morceau, à l'instigation de son chanteur, depuis le début. Pour finir en apothéose, avec cette coda démente qu'on connaît tous (si vous ne connaissez pas, vous devriez).

 

Essoufflé, ravi, fasciné, même pas vraiment capable de râler que j'ai pas entendu telle chansons tellement je suis ravi et convaincu, j'attends. J'attends le retour, le rappel. Qui bien évidement viendra. Dum dududum... tou doudoudoum. Voilà. La conclusion. La folie, le sang, la sueur, le foutre, les larmes et le Diable : Stagger Lee. On ne saurait rêver meilleure conclusion. Les lumières se rallument pour nous indiquer la sortie, on a pas envie, mais bon.

 

Je sais, je ne suis pas à la hauteur pour résumer ce concert qui aura su me donner la chair de poule comme peu y sont parvenus auparavant... J'en suis désolé. Mais j'ai vu l'Apocalypse, et c'était beau.

 

Il est temps pour certain d'aller chercher les enfants, pour d'autres de rentrer... Et d'aller se coucher, en glissant dans le radio-réveil « The Lyre of Orpheus »...

 

O Children... Rejoice. Rejoice.

 


 

 

 

Setlist : Je vous ai détaillé tous les titres, donc c'est pas la peine non plus....

 

 

1 Oui, c'est décidé, vu les échos que j'ai eus de mon compte rendu de Rock en Seine, j'ai désormais décider de détailler toutes mes boissons dans les compte-rendus de concert. Rassurez-vous, je varierai les breuvages, et c'était mon seul verre de la soirée.

2 Je sais, ça ne peut faire (sou)rire que les cavistes nerds, et encore.

3 Cette chanson m'a bizarrement touché, en ce sens que j'y associe plein de trucs, eut égard à son truc, qui ne sont pas dedans. D'une part le blues du but atteint sans but vers lequel aller après – comme ont du le ressentir les physicien qui cherchaient à prouver l'existence dudit boson... Et se sont fait doubler. D'autre part, le fait que j'en ai appris la découverte via un texto qu'on m'a envoyé alors que j'étais en route pour un enterrement. Dieu que c'est triste un boson en Juillet.

4 On signalera que cette chanson fut présentée par le Caveman himself de la façon suivante : Vous savez, dans la vie à un moment ou à un autre, on atteint un pic, et à partir de là, tout ne fait que chuter … Blaaaah... Cette chanson est mon pic personnel ».

5 D'ailleurs, c'est peut-être la fréquentation trop assidue des concerts garage de Montreuil, mais j'avais bien l'impression d'être le seul en train de twister sur Deanna. Les gens ne savent plus s'amuser.

 

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7 janvier 2013 1 07 /01 /janvier /2013 15:40

http://mybandmarket.com/blog/wp-content/uploads/2012/10/blur1.jpgC’est marrant. Dans la première liste de groupes que j’avais établie pour ces tops 5 (du temps où il y avait une liste, et que je m’y tenais, c’est dire si c’était il y a longtemps), Blur apparaissait. Puis s’est vu renvoyé, au profit de je ne sais qui je j’avais oublié, et qui me paraissait surement, à ce moment là, plus « rocknrollement correct ».

 

Et la situation serait restée la même si je n’avais pas soudain écouté ce groupe en boucle pendant près de deux mois. Les circonstances étaient exceptionnelles, mais le terreau était prêt. Pour moi qui suis un enfant illégitime des 90’s, les moments plus difficiles à passer sont rythmés, dans leur phase ascendante, par la britpop. Parce que quand on y regarde à deux fois, c’est le seul mouvement 90’s qui soit vraiment positif, pêchu, arrogant parfois. Un truc un peu flamboyant, quoi. Et qui m’a pas mal aidé à traverser les moments difficiles de ces derniers temps, me permettant de me « replier » sur ma prime jeunesse sans avoir envie de crever à la fin de chaque morceau. Ou du moins pas de tous. Alors en route.

 

For Tomorrow (Single Version)


Lui. Elle. Eux. Cette structure de chanson est tellement banale qu’on la retouve sous mille formes à mille époques. Ob-la-di, ob-la-da. Livin’ on a prayer. Le Jerk. Quand Blur s’y attaque, il garde évidement le côté positif de la bluette débutante, mais y ajoute des détails, des images, qui marquent. Et des cuivres. Les cuivres ! Toujours les cuivres qui à mes yeux transposent une chanson en quelque chose de plus. Les cuivres parviennent à me toucher jusqu’aux tréfonds de mon âme, à croire que mes entrailles ont une fréquence de résonnance proche du timbre d’un trombone. C’est pour ça que je mise évidement tout sur la version « Visit to primrose hill extended ». Parce que ces quelques minutes, ajoutées au cœur de la chanson, la font passer pour moi dans une dimension au dessus et que… ben voilà, on appuie sur replay, au final.

 

 

 


 

 

 

 

Sunday Sunday


Alors que je me remettais à écouter blur, entre autres via le live at Glastonbury 2009, il y avait une chanson, au début du premier rappel, que je ne reconnaissais pas. Ca me frustrait parce qu’elle était vachement bien, sautillante et tout. Après recherche, il s’avérait que c’était « Sunday Sunday », et que c’était un single de la période « Modern Life is Rubbish ». Manque de pot, pour une raison que je ne comprenais pas, il était absent du CD bonus de la réédition.

En fait je n’étais qu’un con, c’était la plage 8 de l’album.

Dire que j’ai failli rater une pépite – définissant accessoirement parfaitement la britpop – parlant d’un de mes trucs préférés – la sieste après le repas de famille du dimanche midi – juste parce que je suis trop fainéant pour checker les listes de titres sur mes disques et que j’aime pas du tout l’instru qui le précède (pas ma faute, il me colle mal à l’aise)

 

 


 

 

 

 

Country house


1. Des cuivres

2. Cette descente de la basse dans l’intro

3. Faire rimer Balzac et Prozac.

4. Le texte. Je sais bien que ça parle des pop star neurasthéniques qui vont s’enterrer à la campagne (dans mon cerveau malsain, cette chanson est une sorte de suite au « Everybody’s talkin’ » de Harry Nillson), mais moi, j’ai surtout vu des collègues aller s’enterrer en banlieue éloignée et se faire tellement chier qu’ils se sentent obligés de te convaincre que leur vie est top, à installer des portes de garage, des chatières, et à cultiver leur jardin.

Au moins, grâce à cette chanson, Damon Albarn me soutient pendant les difficiles moments passés à regarder des photos de radis sur un iPhone 4 pendant la pause café.

 

 


 

 

 

 

You’re so Great


 La meilleure chanson de Pavement est une chanson de blur. Splendeur simplissime, Graham Coxon signe une de ces merveilles dont il est capable, et ferait chialer le plus endurci des cœurs avec sa déclaration parfaite. A une fille ou au délirium tremens, je n’en sais rien, je sais juste que la déclaration elle-même est top.

 

 


 

 

 

 

Tender


J’ai hésité. Longuement. Entre  « Tender » et « No distance left to run ». J’ai même hésité à foutre Bugman histoire de trancher, mais j’aurais rien pu raconter dessus, à part que j’aime beaucoup cette chanson. Mais au final, si Tender est certes plus radiomical, c’est surtout un morceau qui met le doigt sur un point essentiel de l’échec amoureux.

No distance left to run, déjà, n’est pas une chanson de rupture, mais une chanson de constat que la rupture est inévitable.

Tender se situe de l’autre côté de l’évènement. Il est l’appel d’un gars désespéré qui voudrait passer à autre chose. Certains y voient un hymne gospel, mais c’est surtout une tentative d’auto-suggestion, d’auto-conviction, d’auto-encourragement à mi-chemin entre la méthode Coué et le mantra. « Come on, come on get through it / Love’s the greatest thing ». De la difficulté à dissocier l’amour de la chose aimée. Comment peut – on continuer à croire en l’amour quand on est obligé d’abandonner, de délaisser ce que l’on aime?

Et le « I see her every day / It doesn’t help me » de  She’s so high de soudain résonner, en écho du passé, dans l'attente que ce sentiment (re)vienne.

 

 


 

 


 

Bonus : Theme from an imaginary film


Je n’ai rien à dire sur ce morceau sinon que, rien que pour me l’avoir fait découvrir, je remercie chaque jour les instigateurs de la réédition / intégrale nommée “21”.

Et tous les groupes qui se voient synthétisés dans cette perle.

Et Noël, dont c'est une parfaite musique d'accompagnement.

 

 


 
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3 juillet 2012 2 03 /07 /juillet /2012 17:47

Too Much Class For the Neighbourhood (Dogs, France, 1982)

 

Nashville ou Belleville ?

                                                                                                                      Eddy Mitchell

 

Cette ville est un enfer

                                                                                                          Dominique Laboubée

 

 

 

http://d.yimg.com/ec/image/v1/release/58720987;encoding=jpg;size=300;fallback=defaultImage« Avant de dire que c’est le meilleur album de rock français de tout les temps, faudrait juste déterminer si c’est, déjà, le meilleur album des Dogs ».

 

La conversation dont est extraite cette phrase portait sur « Legendary Lovers ». Et ce qui m’a marqué au sein de celle-ci, c’est à quel point, pour ces gens, c’était l’évidence même que, de toutes façons, les Dogs furent le plus grand groupe de Rock que la France ait produit. Je dois avouer que, plus le temps passe, plus je suis d’accord avec cette idée. Malgré tout, cela dit, ce groupe n’est malheureusement pas une évidence*. Ce qui ne rend que plus réjouissant de les découvrir, certes, mais a pour conséquence qu’il faut une porte, un entremetteur, un peu de boulot pour se pencher dessus.

 

Mais une fois l’accès ouvert… C’est la révélation.  Et le meilleur moyen de découvrir cet album est évidement d’en écouter le titre éponyme** :

 

 

 

 

Ce riff cinglant, cet harmonica… Ce n’est pas une intro, c’est un appel aux armes. On redresse la tête, le pas s’accélère, et, bizarrement, quand la voix rentre, le pas se chaloupe soudainement, l’envie de danser se fait plus marquée, plus pressante.  Et ce titre : « Too Much class for the neighbourhood ». Déclaration d’intention. La rébellion en mode mod, soit donc la plus belle des rébellions, celle qui reprend les codes de la vieille garde pour lui renvoyer sa propre hypocrisie en pleine gueule. Il est aisé de se lamenter d’être ostracisé quand on est punk. Quand on est talentueux, propre sur soi, mais qu’on reste hors de la masse malgré soi, là, on renvoie vraiment les autres à leur propre médiocrité.

 

Cette chanson, c’est l’hymne des mecs qui ont raison, mais qui, entouré d’ignorants, se retrouve malgré lui dans la position de celui qui a tort***. C’est pour ça que les Dogs étaient condamné dès le départ – ou presque – au succès d’estime. Comment s’imposer dans un pays qui n’a retenu de ses rockeurs que les ersatz d’Elvis graisseux ou des pseudo punk méphitiques, a fortiori quand personne n’y a rien compris à la splendeur d’un Paul Weller, et qui n’a vu dans ses vrais talents rock que des amuseurs mondains (Dutronc, Antoine, Les Problèmes), ou d’habiles chanteurs de variété (Polnareff) ?

 

http://www.lemague.net/dyn/local/cache-vignettes/L297xH300/arton2781-3900f.jpg

 

Pourtant, cet album est une splendeur, un joyau, une perfection. A tel point que la première fois que je l’ai écouté, j’étais convaincu qu’il s’agissait d’un album principalement composé de reprises (bien aidé en cela par la présence d’une reprise de Train kept a-rollin’), tant chaque chanson semble parfaite, et sonne suffisamment rétro pour paraitre intemporelle**** (Il y a un petit quelque chose 80’s dans le son, mais c’est surement l’album des années 80 les moins daté de tous les temps, je pense).

En bons mods, les Dogs n’ont jamais oublié que le vrai rock est fait pour donner envie de danser, et non pas de s’ouvrir les veines ou de vomir sa Koenigsbier sur les agents de la maréchaussée. Et il faut être sourd ou unijambiste pour résister aux appels à la danse que sont Shakin’ with Linda ou Poisonned Town. Voire légèrement dandiner les épaules sur la délicate M.A.D.  ou The Most Forgotten French Boy (le meilleur morceau qu’Indochine n’a pas réussi à composer).

Nul n’est prophète en son pays. Et les Dogs sont, finalement, surtout trop rock n’ roll pour le voisinage. Voilà leur problème, voilà leur fardeau : avoir tout compris au Rock n’ Roll dans un pays qui n’y a jamais rien entravé sinon les clichés. Et les fans de pleurer en voyant un diamant jeté au compost, ne trouvant pour se consoler que l’opportunité de boire une bière Place Dominique Laboubée, en se disant que c’est toujours ça que ni les anglais, ni la vieille garde avec ses pseudonymes pseudo-ricains, ni aucun groupe avec noir dans son nom - peu importe la langue – n’auront pas.

 

 



 

 

*Sauf bien entendu pour tous nos amis rouennais, qu’on salue, et plus largement, pour les normands – exception faite, surement, des Havrais pour qui l’évidence doit être les Roadrunners (ou Little Bob, oui).

**En voilà un « éponyme » utilisé à parfait escient.

***Situation atrocement désagréable mais pourtant fréquente, c’est celle vécue par celui qui peine à convaincre les gens que non, Ob-la-di, ob-la-da n’est point l’œuvre de Ringo Starr, ou de celui qui essaye de rappeler à ses collègues qu’avant même de désigner une femme à la cuisse légère, « bitch » est le terme anglais désignant la femelle du chien (au sens zoologique du terme). Oui, ça sent le vécu.

****Ce qu’on appelle, bien évidement, vous le savez tous, le syndrome Retour vers le Futur, même si à l’époque le film n’était pas encore sorti : la vision de 1955 qu’on avait en 1985 ne vieillira jamais, tandis que bon, on est 2012 et je vois pas la trace d’un Hooverboard.

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8 mars 2012 4 08 /03 /mars /2012 17:09

Radio City (Big Star, USA, 1974)

 

http://www.musicangle.com/upload_images/AlbumCovers/BigStarRadio.jpgDans les temps anciens, la mélancolie était le tempérament associé aux génies, ceux chez qui l’humeur en excès était cette satanée bile noire. Ni sanguin, ni lymphatique, ni bilieux, le tempérament mélancolique se décrivait par des symptômes qui recouvrent aujourd’hui deux troubles mieux connus : la dépression et l’anorexie. L’atrabile était supposée produite par la rate, qui, comme par hasard, s’appelle en anglais spleen.  Tout se recoupe.

De nos jours, la médecine et la psychanalyse ayant gâché toute poésie dans ces symptômes, il ne reste à ceux qui ne sont point des génies que deux façons d’accéder à cette souffrance malsaine à s’y complaire : l’amour et le choc esthétique.

 Alors que peut-il bien se passer lorsque l’on tombe amoureux d’une chanson, d’un album, d’un groupe ?

Eh bien exactement la même chose. On a mal au ventre, une boule inconnue nous soulève l’estomac, on n’a plus faim, on est obsédé par quelque chose qui nous attire et nous décourage en même temps, on ne croit pas au présent, mais on ne croit pas plus en l’avenir car, franchement, que peut-on espérer y trouver de mieux ?

Ces sentiments mêlés de félicité et de dépression sont ceux qui me viennent à chaque écoute de cette chanson.

 

 


 

 

 Certes, ils sont moins forts que ne pu l’être la proverbiale claque que je me suis prise lors de la première écoute de ce titre, mais ils n’en sont pas moins présents à chaque écoute. Dès l’arrivée du riff d’intro, mon cœur se contracte, mon estomac se noue, et les larmes affleurent, car je sais, je sais au plus profond de moi que jamais une chanson ne recoupera plus profondément ce que je suis, jamais aucune rythmique ne fera mieux résonner mon cuivre intérieur.

 

Evidement, j’ai réussi à théoriser cette adéquation (on ne se refait pas) : Big Star est le point focal de mon horizon musical. Un point inamovible, le point d’appui d’un levier dont le but est de me soulever et de me retourner les sangs comme une crèpe.*

Disons que si l’histoire de la pop que j’aime tient dans un sablier, Big Star est au niveau du nœud central, celui par lequel circulent tous les groupes que j’aime. Tous les groupes que j’aime l’ont précédé y confluent, tous les groupes que j’aime qui sont arrivés plus tard en viennent.

 

Pourtant, quand j’ai découvert ce groupe, ce n’était sûrement qu’un groupe parmi tant d’autres au sein d’une liste d’ »albums indispensables ». Je dis sûrement car ça me semble l’hypothèse la plus logique : je ne suis malheureusement plus capable de me souvenir des circonstances dans lesquelles j’ai découvert cet album. Ni où. Ni quand précisément. Notre ex-confrère blogueuse Laiezza décrivait les classic-albums comme « des albums qu’on a l’impression d’avoir toujours connus la première fois qu’on les écoute, et qu’on a l’impression de redécouvrir à chacune des écoutes suivantes (…) Des albums dont on a du mal à se rappeler à quoi ressemblait la vie quand on ne les connaissait pas » **

 

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Sitting in the front of our house...

 

Dans le cas de Radio City, c’est exactement ça : il m’est aussi difficile de me représenter l’existence « en méconnaissance » de cet album qu’il m’est impossible de me rappeler ce que c’est que de ne pas savoir lire. Je sais que cette époque a existé, mais le concept même m’en parait impossible. Dès sa découverte, cet album a changé ma vision des choses, non seulement présentes et à venir, mais a aussi laissé une trace sur tout ce qui avait précédé, remis les choses sous une lumière différente, qui rend la lecture originale des choses difficiles***… Il m’est impossible de me rappeler qu’il fût une époque ou je ne citais pas ce groupe, ou je ne sifflotais pas September Gurls, où je pouvais m’assoir à l’arrière d’une caisse sans penser au morceau du même nom, où la vie n’avait pas de couleur.

Finalement, ce n’est qu’après le décès d’Alex Chilton, et mes réécoutes frénétiques de l’œuvre Big Starienne, que j’ai réalisé à quel point cet album était fondamental pour moi, alpha et oméga de la pop que j’aime : celle qui rend la mélancolie lumineuse, celle dans laquelle l’émotion est presque plus chez l’auditeur que dans la chanson. Celle qui se dégage d’un album qui à chaque écoute nous rappelle que le syndrome de Stendhal n’est peut-être pas qu’un mythe.

 

 


 

 

 

* NDLR : Réalisant à quel point cette expression valise semble péter les stats du « je me regarde écrire », l’auteur promet de lever la plume dans les prochains paragraphes.

** Considérez cette citation comme apocryphe, vu qu’il est impossible de retrouver la version originale.

***ATTENTION Spoiler : Comme revoir Usual Suspects ou Fight Club quand on en connaît la fin.

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15 février 2012 3 15 /02 /février /2012 20:19

Je dois avouer avoir été moi-même surpris au moment de dresser la liste des albums dont je vous parlerai ici, de réaliser que je n’avais jamais évoqué, frontalement, directement, cet album, dont pourtant on m’aura vu parler dans des tonnes de coins de blog.

Voilà une erreur qu’il est temps de réparer.

 

Up the Bracket (Libertines, Angleterre, 2002)

 

 

http://www.4ortherecord.com/assets/images/albums%20of%20the%20decade/up-the-bracket1.jpgOui, j’avais 16/17 ans quand j’ai découvert cet album. Oui, à l’époque, j’admirais encore Muse et Placebo, qui n’avaient pas encore publié les albums infâmants qui me les feraient vouer aux gémonies à peine un an plus tard.

Oui, j’étais adolescent. Et alors, la belle affaire.  Réglons le problème tout de suite : le fait d’apprécier plus un truc du fait qu’on le découvre adolescent n’est aucunement un critère de qualité, mais certainement pas de médiocrité non plus.  Si vous considérez cet état de fait comme une raison pour un album de ne pas recevoir le label qualité, révisez de suite votre avis sur Musset, Rimbaud, Baudelaire ou Les souffrances du jeune Werther : vous verrez que ce ne sont pas des œuvres dont le goût « passe avec l’âge », et la raison en est simple, ce sont juste de grandes œuvres. Il en est de même avec « Up the Bracket ».

 

Et puis de toutes façons,  autant le dire de suite, quand j’ai découvert cet album, acheté à l’époque sur la seule foi d’une critique « disque du mois » dans le Rock & Folk numéro 423, je me suis senti floué. Je n’ai tout simplement pas aimé ce disque, mis à part les deux premiers moreaux et la chanson-titre. Puis, trop occupé que j’étais à découvrir, en vrac, les Doors, Bowie ou les Who, j’ai purement et simplement laissé tombé cet album, que j’ai  même (c’est à peine si j’ose le dire) traité avec le dernier des mépris. Pensez-bien : il fut une époque, aux alentours de 2004-2005 où, dans mon appartement nancéien, ce disque me servait de sous-tasse, afin que le café qui pouvait s’échapper de mon mug Rolling Stones ne viennent pas salir mon bureau. Et quand je dis le disque, je parle bien du CD sans sa boîte. Après de tels traitements, j’en viens à me demander parfois si ce n’est pas la providence divine qui lui a conservé sa capacité à passer encore dans la chaîne sans tressautement, vu l’état actuel de certains disque que j’aime moins dorénavant mais avait bien mieux entretenus.

 

C’est bien plus tard, ramené dans le giron des Libertines – et bien après que Doherty ne soit devenu le gibier pour photographe de Voici sous la forme duquel on l’a découvert dans nos contrées – par le second album, que j’ai compris la beauté* de ce disque.  Ce disque n’est pas, comme je l’espérais à l’époque, un disque de revival comme pouvaient l’être d’autres albums sortis à peu près à la même époque (les premiers Vines, Strokes…) C’est un disque de transition, de synthèse. Les Libertines font tout à la fois penser à tout le monde sans jamais vraiment ressembler à personne (ni à rien, ajouterons les toujours prestes haters que le groupe a réussi à créer bien malgré lui). Quelque soit le terme qu’on cherche à accoler à ce disque (morgue, classe, fougue, urgence) , il lui va comme le gant qui fut porté plus tôt par un autre groupe anglais, qu’il s’agisse, au choix, des Kinks, Clash, Smiths, Blur (comme par hasard dans l'ensemble des groupes dont les textes sont loin d'être mauvais...), j’en passe et des meilleurs et des majeurs comme des mineurs.

 

http://1.bp.blogspot.com/-BGewGxO_8cQ/Tk4aFbJXaSI/AAAAAAAAIvg/NHUHnQFrAJ0/s1600/The%252BLibertines%252BTheLibertines.jpg


En ce sens, la carrière météoritique du groupe et totalement justifiée (symboliquement s’entend), passeur qu’il fut entre le XXème et le XXIème  siècle, symbole d’une génération éphémère : la mienne, celle qui, coincée entre les fouilleurs de bacs et les fouilleurs de liens a fait l’essentiel de sa culture en gravant des CDs empruntés à des potes où à la médiathèque. Une génération fin de siècle, qui, après les cyniques 80’s et les dépressifs 90’s a voulu, l’espace de 12 pépites et 36 minutes parfaites, croire à nouveau en un romantisme flamboyant, rageant et classieux, en un élan de sturm und drang sur fond de guitares saturées qui finit par converger vers cette phrase qui résonne comme un manifeste :  if you've lost your faith in love and music the end won’t be long.

 

Il y a 10 ans, j’étais un jeune étudiant déçu par un album du mois acheté à la sortie d’un cours de maths long comme un jour sans pain. Aujourd’hui, j’écoute pour une énième fois un album que je trouve éternel en me demandant comment j’ai pu passer à côté à l’époque, en attendant mon « entretien d’évaluation personnelle » annuel. Il y en a, des disques que j’ai fini par renier, la maturité, l’évolution de mes goûts et l’arivée de l’âge adulte aidant. Mais il faut croire que toute la maturité du monde ne pourra pas enterrer celui-ci.

 

Le jour où je finirais par aimer moins, voir des défauts, ou, pire, dénigrer « Up the Bracket », ce ne sera pas parce que je serais devenu un adulte… mais un vieux con. Dieu m’en garde, pour l’instant, I get along.

 

 


 

 

 

 

* C’est fou ce que les clichés et tics d’écriture ont comme force : par peur du vide qualificatif, j’ai quand même failli coller un « vénéneuse » ou un « diaphane » qui n’a rien à foutre là.

 

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1 février 2012 3 01 /02 /février /2012 11:19

« Merde il l’a fait ! » Voilà ma première pensée en m’appercevant que Xavier avait décidé de mettre en application l’hommage Thomien que j’avais banlancé comme une blague au bas du dernier MDAM de la première saison.

Je me suis pas senti con d’avoir lancé ce défi, de voir quelqu’un le relever, et de savoir que c’était pas avec mon piètre niveau musical que j’allais reprendre des grands morceaux. Donc j’ai décidé d’utiliser ce que je maitrise le mieux, à savoir mon clavier, pour offrir non pas des reprises de morceaux, mais des reprises … de chroniques. Ou plus précisément écrire des chroniques sur « comment les disques d’un autre ont pu devenir des disques à moi ». Soit donc « Les disques à Thom (Mais Un Peu A Moi Aussi) »

 

Première session donc.

 

Appetite for Destruction ( Guns n’ Roses, USA, 1987)

 

http://img.over-blog.com/202x200/0/32/42/35/appetite.jpgCe qui est marrant avec le fait d’avoir un blog qui tient sur le long terme (5 ans  déjà !) c’est de réaliser à quel point ont peut être un Saint Pierre en puissance, d’une capacité incroyable à se renier soi-même à plusiseurs reprises.

Les plus anciens ont certainement tiqué en voyant les Guns n Roses présenté ici comme « disque à moi ». Et c’est logique, vu qu’il y a quelques années j’écrivais des trucs comme ça.

Depuis, j’ai lu The Dirt, appris à apprécier le genre tout en pondérant sans qualité sans jamais ô grand jamais dénigrer son importance car je sais être homme de sagesse et que oui, ce fut un mouvement important.

Et c’est vrai que pendant très longtemps, je n’ai tout simplement pas réussi à comprendre que, dans le cadre de l’intelligentsia rock n’ rollement correcte, on défende les Guns (et attention, que le premier album). Qu’au milieu d’un genre honni comme le hard FM, on décide de sauver le groupe le plus connu (avec les innénarables Mötley Crüe, évidement) me paraissait aller tellement à l’encontre de la doxa habituelle… surtout venant de la part de gens encensant habituellement Nirvana, parce que, justement, ils nous avaient débarassés desdits Guns n’ Roses.

Et là ne s’arrête pas le paradoxe. Sauver, du seul groupe qu’on daigne sauver de la mouvance Hard FM, leur album LE PLUS hard FM ? Pire encore, sauver cet album, qui résume à la perfection tout ce qu’ont pu apporter au genre des groupes aussi fascinants (pour moi du moins) que Mötley Crüe, Bon Jovi, Poison, Ratt, Cinderella, et la liste et longue*… Voilà le genre de trucs à même de perturber l’esprit logique mais sensible qui hante ma boîte crânienne. Car oui, cet album est d’une facture tout ce qu’il y a de plus classique pour le genre, avec tout ce qu’il faut de guitares, de cris, de soufre et de sexe (et de talkbox! Non mais sérieux, un album avec de la talkbox considéré comme grand?!). D’ailleurs, il ne faut pas oublier qu’à l’époque, loin d’être le Freddy Mercury redneck auquel il est à jamais associé dans l’inconscient collectif de nos jours**, Axl Rose tenait plus de la version rouquine de Vince Neil. On conseillera à ceux qui en doutent de revoir le clip de Welcome to the Jungle, édifiant à plus d’un titre.

 

 


 

 

 

 

Edifiant car très pratique pour comprendre le vrai fond de l’album. Quand on connaît le genre, on s’attend à avoir affaire à des poseurs de L.A., péroxydés et en moule-burnes, qui vont nous expliquer à quel point la vie est cool au milieu des meufs et des cadillacs, dans la cité ou le truc le plus triste qu’il puisse t’arriver est de découvrir que Chaque rose a ses épines. Sauf que cet album, par l’entremise de ses trois grands morceaux (accessoirement ses trois grands tubes) ne narre rien d’autre que la perdition d’un gamin du fin fond de l’Indiana dans la tentaculaire cité des anges. C’est là que le fait de voir pour la première fois le clip de Welcome to the jungle marque l’esprit : avant, on pourrait croire qu’Axl nous accueille dans la jungle. Après, on sait qu’il nous raconte comment il fut accueilli à son arrivée dans cette jungle urbaine***.


Et soudain tout fait sens à nouveau. Paradise City (where the grass is green and the girls are pretty) ne peut pas être L.A. La fille de Sweet Child of Mine est à coup sûr une Girl Next Door de l’Indiana. Chaque cri d’Axl n’est pas une menace mais un appel au secours. Chaque solo de Slash n’est pas une démonstration technique mais une plainte. Et le déchirement atteint son appogée à mi-album, quand le groupe, pour clore Paradise City nous balance dans la gueule une gigantesque rafale de puissance et de son, une décharge provoquant selon les personnes convulsions ou headbang incontrôlé.

Oh, bien sur, il n’y a pas que ces trois titres sur l’album, et il n’y en a quasiment aucun à jeter (mis à part le fait que je préfère la version acoustique de You’re Crazy, et que My Michelle m’emmerde un peu, l’album tient le haut du pavé). Pourtant chacune de mes écoutes de l’album focalise quasi totalement sur ces titres là (de la même façon que chacune de mes écoutes de GNR Lies se focalise sur Mama Kin / Used to love her / One in a million), pour la simple raison que ce sont sûrement les plus symboliques de la raison pour laquelle GNR a réussi à surpasser la pourtant irrémédiable scission entre grungeux et hardeux :  tout simplement parce qu’ils sont le chaînon manquant.

 

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Passage de témoin?

 

 

Toutes les années 80 ont été marquées par des musiciens auxquels le public aurait voulu ressembler, les années 90 par des musiciens qui ressemblaient à leur public. Axl Rose est pile le cul entre ces deux chaises : il est le membre du public qui a réussi à passer sur scène. Et il le vit plutôt mal, dès le premier album, n’interrompra le flot de haine contre tout et tous de « One in a million » que pour se plaindre de n’être qu’un « small town white boy », et au moment de Use your illusion, il aura déjà été bouffé par la matrice. En un certain sens, c’est peut-être celui-là, le premier suicidé du rock des années 1990.

Reste donc un album frôlant les limites de la perfection, dont on ne saurait même pas regretter qu’il n’ait pas été suivi d’aussi bon : c’est un instantané de rage et d’innocence mélée, de l’énervement de celui qui sait qu’il va perdre son âme :  Axl aboie comme un chihuahua perdu au milieu des tigres. Et on se reconnaîtra toujours plus en lui qu’en aucun autre. Where do we go, now ?

 

 

 

* Ne cherchez pas la discographie de « la liste est longue » sur megaupload, c’est une expression.

** Dans l’hypothèse où votre inconscient est individuel, je veux dire par là, le Axl de 1992 : Perfecto Blanc sur short blanc, bandana, long cheveux lisses, dandinement autour du micro, saisie du pied de micro, coourse à traver la scène, pose du micro, s’installe au piano en attendant que Slash monte sur le piano. Axl Rose quoi.

*** Essayez de sortir du métro ligne 14 vers l’extérieur à la gare St Lazare aux alentours de 8 h 15… Vous verrez que WTTJ est le morceau idéal pour cette circonstance.

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