On ("on" désignant l'équipe de choc dépêchée pour admirer Ernesto sur scène) était pas arrivés* dans l'enceinte de l'école qu'on tombait sur Ernesto s'allumant une sèche. (Là, je réalise qu'en fait, je ne l'aurais pas imaginé fumant autre choses que des roulées, et j'avais raison). Au cours de cette rapide discussion, il nous appris que c'était, réellement, son second concert seulement, qu'il avait prévu deux sets d'environ 1 heure chacun, et que bon, il fait soif. Direction le foyer.
Le Foyer de l'ENS, c'est un peu le cliché ultime du foyer étudiant: en sous – sol, recouvert de graffitis divers et sentant bon un mélange si caractéristique de bière éventée, de tabac froid et d'autres substances, froides elles aussi. Des canapés qu'on arrive pas à imaginer neufs, et pourtant bien confortables, et, au milieu, une scène. Etonnant comme ce foyer est bien équipé pour recevoir les concerts. Alors qu'on entre dans cet antre c'est Led Zep (le premier si mes souvenirs sont bons), qui résonne. On prend des bières (elles sont si peu chères qu'on se croirait pas à Paris – et on comprend pourquoi même les normaliens n'ayant rien à foutre du concert traînent dans le foyer en ce vendredi soir plutôt que d'aller draguer dans les bistrots de la Rue Mouffetard avoisinante).
Finalement, on discute 10 minutes, et Ernesto nous laisse, du pas décidé du mec qui, finalement, s'en fout. Le concert s'ouvre sur un extrait du premier album, peu écouté par votre serviteur, mais qui se rattrape depuis ce concert, "Love don't tame the Drunk", juste génial. On part sur les chapeaux de roues. Je ne vous ferais pas le détail de l'ensemble, mais bon, retenons en quelques grandes lignes:
Ernesto chante dans un anglais vraiment splendide, avec pour conséquence qu'on comprend aisément les paroles, y compris des titres joués ce soir là en avant première de son nouvel album (un double LP à symbolique biblique, on a hâte).
Même si on regrettera l'absence de petites feintes d'orchestration qu'on aimait sur disque (la petite guitare électrique de "Song against Darwin" en tête), la prestation offerte, seul en scène, ce soir là est quand même vraiment impressionnante – au point qu'on doute ici que ce soit seulement son second concert (on doute juste pour se rassurer: un artiste accompli à ce point, alors qu'il est plus jeune que moi, ça me frustre à mort. Alex Turner, lui, a la décence d'offrir des prestations scéniques sympa mais pas parfaites, au moins.)
Pour preuve, cette façon amusante de jouer avec son public au gré d'annonce toutes plus marrantes et/ ou perturbantes les unes que les autres: "Voici un medley de mes 3 tubes", "Maintenatn, le grand final, oui, grand, parce qu'il fait 6 titres", "ceci est une reprise d'un chant traditionnel qui a été repris par Led Zeppel… Qui a été très mal repris par Led Zeppelin", et tutti quanti.
Finalement, cette atmosphère (cave enfumée, relents de houblon, foule qui s'en tape du concert) s'avère être quasiment le cadre idéal pour écouter Ernesto interpréter ses titres (dont certains s'avèrent sublimés), les montées en puissances devenant l'occasion de voir l'ami Violin martyriser un peu plus sa guitare et sa voix pour se faire mieux entendre, et offrant au public, enfin à moi, quelques frissons contrastant sévèrement avec l'atmosphère embuée du lieu. Et moi de me dire que, finalement, la musique de Viol est faite pour être entendue dans ce genre de conditions: Atmosphère un brin glauque, au milieu d'un bar enfumé, un bar de marins quoi, un coin où l'interprète lutte pour se faire entendre, tout de rage intérieure, forçant juste ce qu'il faut pour acquérir définitivement à sa cause ceux qui sont là pour l'écouter.
Alors certes, je suis râleur, donc capable d'emettre quelques menues réserves, de – ci de là, sur ce qui fut pourtant un concert presque parfait, mené de main de maître de bout en bou par un Ernesto qu'on sent plus à l'aise entre sa guitare et sa bière qu'au milieu d'une foule d'admirateurs.
Sans compter que chacun eut droit à son morceau à lui, de "Frownland", à "Love Boat" en passant par, évidement, "Song against Darwin". Et ce, sans compter des reprises fascinantes (si fascinante que certains cons (moi) iront dire que c'est leur préféré parmi les nouveaux titres), parmi lesquelles "Diary of a Monk" surnage largement à mes yeux (si vous voyiez de quelle facture sont les autres, vous pourriez espérer le meilleur de ce titre, et ce serait justifié.)
Le concert terminé, on se rue (c'est une image), sur le pressage exceptionnel qui a été fait des albums du sieur, on glane une dédicace, puis on vide quelques bières… [ la suite de cette soirée, en plus d'être floue, a été censurée par la rédaction de "Laisseriez – vous…" ]
Le lendemain, une fois le mal de crâne évacué (et encore), il est temps de ressaisir les albums, de se les repasser encore une fois, puis de les ranger. Pas définitivement, loin de là, pour être honnête, je n'ai jamais autant écouté Viol que depuis ce concert.
Mais lorsqu'ils sont rangés…
Monsieur Violin, s'il vous arrivait d'errer sur ces pages, sachez que, chez moi, vous êtes placé entre Boris Vian et les Violent Femmes. Bizarrement, je trouve que cette place vous va bien, et j'espère qu'elle vous satisfait. Encore merci, et rendez – vous lors de votre prochain concert (à Polytechnique, sûrement).
N'oubliez pas, l'album "Love Boat" est en téléchargement gratuit ICI.
* Question à destination de tous les Bernard Pivot et assimilés de cette planète: quand "on" a valeur de "nous", les adjectifs, on les accorde comme avec "on", ou comme avec "nous"?? (Ex: "on est génial", ou "on est géniaux"?)